atelier d’écriture du mardi – N°2

Date : 24 septembre 2019

2 textes à lire :
— Texte d’Ahmet Altan, extrait de Textes de prison (actes sud, sept 19)
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— Textes d’Atiq Rahimi extrait de Le retour imaginaire (un livre avec des photos, POL, 2005)
Avec cette introduction au livre :
« J’ai beau vouloir me fuir, je retrouve toujours cette prison de l’être.
Je suis comme la biche qui bondit en vain dans l’image «  V. Quazvini
« Car la photographie, c’est l’avènement de moi-même comme autre : une dissociation retorse de la conscience d’identité. «  R. Barthes
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Vous avez apporté 2 photos :
— Une de vous enfant, ado ou adulte
— Une d’un endroit que vous aimez

1 — Vous avez devant les yeux la photo de vous :
Qui et que voyez-vous ?
(Repensez aux textes joints dont les thèmes et styles complèterons vos réflexions)
Echangez votre photo avec celle de quelqu’un d’autre :
Qui et que voyez-vous ?

Agnès :
agnès

 

 

Dominique :
dominique

 

 

David :
david
Sur cette photo je dois avoir autour de 10 ans, c’est le début des années 70, peut être 72 ou 73, j’ai les traits fins et les cheveux longs comme une fillette, aujourd’hui je ressemble plus à une chauve souris. J’ai du mal à comprendre cette image de moi, ça fait comme un gouffre. Tout ce que j’ai perdu est dans ce gouffre. J’ai l’impression que ce petit garçon aurait pu être autre chose, avoir un cheminement différent. Son seul but était sûrement de manger la vie à pleines dents mais il a eu sa dose de poison.
En regardant cette image je me sens effectivement dissocié, j’ai du mal à me projeter dans cette image. Qu’est ce qui était dans ma tête à ce moment là, il ne pouvait imaginer que sa vie partirait en morceaux plusieurs fois. Heureusement j’ai pu recoller un peu tout ça, grâce à l’aide de certaines personnes, ma compagne en particulier. J’espère, je crois avoir gardé quelque chose, quelques fragments de l’enfant dont je vois l’image, qui était moi dans une autre vie.

 

 

Sylviane :
sylviane

 

par David :
Sur cette photo je vois une petite fille âgée de deux ans peut-être, debout, une fleur à la main, avec un regard très intense, qui dénote d’un caractère bien trempé, genre je vais vous donner du fil à retordre. C’est une image d’un autre temps. Que semble s’exprimer derrière ce regard intense ? Dépêche-toi de prendre ta photo que je retourne à mes occupations.
Elle semble fixer la scène bien au-delà de l’objectif, la pièce, pas très grande, la table du salon, l’odeur des meubles, du repas, on aimerai voir tout ça dans le reflet de ces grands yeux qui font face, qui interrogent. Combien de personnes sont dans cette pièce ? Un autre lieu, un autre temps. On ne perce pas les mystères d’une image facilement.

Manée n’était pas là, mais en pensée, avec cette photo que je trouve si belle, alors un petit texte :
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Une petite fille avec un bouquet de fleurs. Dans les fleurs. Des narcisses sauvages. Qui exulte et les mange presque. On dirait qu’elle en a dans les cheveux, pour tenir ses nattes, c’est une petite fille fleur. Une petite sauvage ; elle est descendue des hauts-plateaux, à la fois correzienne et petite indienne, les lèvres rouges de plaisir. Elle tient le bras de son frère comme des petits mariés et lui transmet sa présence intérieure si forte à la vie, ne gigote pas tant, regarde-la en face. Elle rayonne. Elle est Frida Kahlo heureuse et l’infatigable Gauguin, les pommettes hautes de Pont-Aven et le sauvage à Hiva Hoa : « D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » avant la Maison du Jouir et les luttes pour la liberté.

 

2 — La photo d’un endroit que vous aimez :
Que s’y passe t’il pour vous, « extérieurement » et intérieurement.
(pensez aussi aux textes d’Atiq Rahimi)
La photo d’un endroit aimé de quelqu’un d’autre :
Que s’y passe t’il ou peut-il s’y passer, « extérieurement » et intérieurement.

Agnès :
pays agnes

 

 

Sylviane :
pays sylviane

 

 

Dominique :
paysage dominique

 

par David :
Cette Photo montre un bord de mer, sans doute l’océan, une belle photo panoramique, belle lumière, peut-être en fin d’après midi, par temps nuageux, quelques silhouettes éparses, une mer assez forte. Celui ou celle qui a pris cette photo a les pieds dans l’eau. C’est sans doute un de ces moments magnifiques où le vent, l’odeur de mer et de sable laissent une empreinte que l’on connaît depuis l’enfance, que l’on retrouve avec émotion. On dirait un coin de Bretagne, mais ça pourrait être n’importe où dans le monde, après tout.
Pour moi même, j’aurais choisi une photo de montagne d’abord, de mer ensuite. Aucun de ces deux genres d’endroits ne m’a laissé autant de traces physiques et mentales, et pour la mer c’est beaucoup lié à l’enfance. On ramasse peu de choses en montagne mais en bord de mer ce sont des collections que l’on constitue avec une patience infinie car on a tout notre temps, et la plage fait des kilomètres.

David :
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Cette photo montre un endroit magnifique en montagne, dans les Pyrénées, au moment précis où, après avoir grimpé un bon moment sans horizon, une autre vision se dévoile au-devant de nous, un lac, une vallée sous les pics, les roches, les névés.
C’est un endroit auquel on accède qu’au prix d’un effort important, avec la promesse d’un repas au bord de l’eau, dans un lieu que l’on ressent comme primitif.
Aucun lieu au monde ne m’impressionne plus que ce genre de montagnes, entre l’éblouissement et l’effroi. Chaque élément y est plus intense, au point de lâcher prise de soi-même, de n’être plus qu’un modeste calque humain traversé par le paysage. On n’y croise peu de gens car c’est dur d’y aller, et généralement ce sont des gens un peu comme nous, ils viennent chercher un peu la même chose, comme dans une cathédrale, on ne crie pas, on se sent une toute petite chose, comme l’insecte que l’on évite d’écraser. Quand on quitte ces lieux on y laisse des lambeaux de soi-même, on est un peu changé. C’est ce que je vais chercher là-haut.

 

 

3 — Votre appareil photo, c’est votre mémoire et imagination, et votre stylo :
Révélez-vous (en) 2 photos
Lecture ensemble de l’une, puis de l’autre

Sans titre
Merci à vous,
et merci Agnès pour cette retransmission
(que j’ai finalement réussi à découper en tronçons, il est 00:22 !!)

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