atelier d’écriture du lundi n° 10
Atelier 10, LE GAI LOGIS
Dans la nuit de samedi à dimanche, pour arriver à dormir dans la tempête,je pensais entre autre à l’abbaye de Conques.
Hier aprem, pour échapper à la tempête, je suis allée à Aix-en-Provence avec un ami voir une expo d’art contemporain. Qui était fermée à cause du vent (je suppose) car le bâtiment est dans un parc.
Du coup, pour contrer cette déception, Thomas m’a emmené sur les hauteurs d’Aix voir la maison de sa grand-mère, qui est pour lui un lieu fondateur.
Nous avons vu Le Gai logis (c’est le nom de cette maison!) de l’extérieur et à travers la végétation, mais il était content de retrouver cet endroit qui a peu changé, avec tous les arbres qu’avaient plantés son grand-père.
Puis nous avons été au musée Granet, sans grand enthousiasme au départ, mais on y a découvert quelques belles œuvres, et retrouvé d’autres.
Pour Thomas, le tableau de Cézanne Les Baigneuses , que sa grand-mère aimait particulièrement, poursuivait ce pèlerinage.
Nous avons tou.te.s ces lieux fondateurs à fort enracinement, qu’on nous a “donné” enfant ou que l’on s’est constitué adulte, qui nous posent, nous constituent des racines, peuvent nous servir de “doudou” ou de “grigri” dans la tempête…
Dans la préface du livre d’Annie Dillard, Pèlerinage à Tinker Creek, Brice Matthieussent écrit :
“Annie Dillard retourne sans relâche sur les lieux ou un infime miracle langagier s’est produit pour elle seule, à l’insu du reste du monde, vers ces carrefours secrets où l’éternité s’est incarnée dans le temps. Le langage, l’écriture, serait alors le seul moyen de communiquer à tous le plus intime, le plus secret, ce qu’Annie Dillard appelle la grâce ou la beauté, ce que Georges Bataille nommait quant à lui le sacré. On voit donc que le divinité d’Annie Dillard s’apparente davantage à celle de sainte Thérèse ou des mystiques qu’à l’image d’une religion instituée : le texte fondateur et son expérience vécue, non pas sa fossilisation en rituels, que l’humour ravageur de notre auteur ridiculise volontiers…”
Dans Histoires de peintures, Daniel Arase écrit :
Balzac, qui s’est beaucoup intéressé aux vêtements à travers ses personnages, écrit :
rejoignant là le Manteau Demeure, d’Etienne Martin.
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Au boulot ! :
Racontez, décrivez, analysez,…, (en adaptant si possible le style d’écriture à chaque sujet), ces GAIS LOGIS qui participent à/de votre vie, à travers :
1 — une maison,
• Agnès :
Il est un château en Corrèze. Non, pas le rose d’Aragon, pas celui de Peyramaure. Un château qui fait parti de l’histoire de famille. Comme un château en Espagne. Comme une vantardise, une légende, un conte lu aux veillées. Ou bien comme une protubérance…. « Mon château », c’est bien le nom que lui donne ma mère.
C’est au château que travailla mon arrière grand-mère. Cuisinière. Au service des DB. Une belle demeure, sobre malgré ses deux tours, son élégant perron de pierres. Un jardin entretenu, sage et millimétré, sans fioritures extravagantes. Les propriétaires ? « Des gens respectables ! Des gens bienveillants ». Leurs enfants, ils venaient, comme une récompense, s’attabler pour quatre heures à même la table de la cuisine. La table des petites gens. Les tartines joufflues et débordantes de confitures maison, englouties avec sourires et délices. Une seule fois, alors qu’elle était venue chercher sa grand-mère, ma mère, enfant, eu la permission de visite. Et c’est là je crois le cœur de l’histoire. Dans le grand hall, un immense escalier de pierres à double voies – Elle ne l’a, dans sa mémoire, gardé que démesuré. Vision d’enfant. En rapport avec sa maison à elle, avec toutes les autres maisons qu’elle connaissait. Ces petites maisons de pierres, où tout ou presque se résumait à cette humble pièce de vie, mais aussi quelquefois de sommeil. Sombres souvent. Sobres, toujours – Aux murs accompagnant les marches, les portraits peints des aïeux. Démesurés, endimanchés et solennels. Bien trop figés, bien trop sérieux aux yeux de cette enfant. Si sérieux qu’encore aujourd’hui, à presque 92 ans, quand parfois ma mère puise une fois encore au creux de sa mémoire ces souvenirs inoubliables d’enfant et nous en conte l’histoire, on peut lire dans ces yeux un peu de cette peur qu’elle ressentie alors. De cette peur, mais aussi de cet enchantement. De ce quelque chose de presque féérique, impalpable, encore si présent.
Comment un château peut-il atterrir dans l’histoire d’une descendance de sans biens, d’une lignée d’ouvriers de la terre ? Grâce à des confitures délicieuses englouties avec bonheur par d’honorables enfants. Grâce un grand escalier de pierres ornés de portraits sérieux, fiers et imposants.
2 — un jardin, un espace naturel (Agnès, tu l’as déjà fait lors de l’atelier de la semaine dernière)
• Manée :
A la fois maison et un espace naturel
Une maison à peine mais plus qu’une maison…une cabane de vigne construite par Antoine mon grand-père, maçon et paysan, en pierre, couverture d’ardoise comme une vraie maison et à l’intérieur comme dans une vraie maison, une cheminée. Une pièce en bas et une au dessus avec un plancher de bois, accessible de l’extérieur par un fenestrou. Une odeur de terre et de bois.
Sur un coteau ensoleillé toute la journée avec une vue sur la vallée d’une petite rivière nommée La Franche Valeine, avec la vigne d’Antoine, des pêchers qui donnaient de petites pêches dorées, succulentes, des fraises des bois à la saison. Des herbes folles et des fleurs sauvages. Les raisins avaient une peau épaisse que j’aimais garder longuement dans la bouche.
L’hiver il m’allumait la cheminée, je lisais, par la porte toujours ouverte je le voyais tailler la vigne, j’aimais le bruit du sécateur sur les ceps. Avec lui, là, je me sentais à la fois protégée et libre.
3 — une œuvre d’art,
• Agnès :
J’ai découvert cette œuvre de Murillo sur les bancs de l’école. « Le jeune mendiant », au milieu d’autres images, dans les pages d’un livre scolaire. Entre celui de géographie et celui de français, je ne saurais dire. Encore moins quel était le sujet de la leçon. Je ne peux dire non plus ce que je ressentis alors. Tout cela semble effacé. Seul me revient si clairement en mémoire, le tableau au jeune garçon. Net. Précis. Gravé. Comme indélébile. Et je pense que toute ma vie je pourrais parcourir les musées, les livres, les salles d’expo, être ébahie devant des œuvres belles, touchée, emportée, attentive, en observer les moindres détails, cherchant les messages donnés, admirative aux talents de l’artiste, aucune ne restera si bien gardée dans ma mémoire. Aucune autre que celle d’un jeune garçon pouilleux aux pieds sales et vêtu de guenilles, assis dans la lumière d’un soir au sol d’une pièce lugubre et vide. Auprès d’un panier, d’une cruche et de quelques fruits. Seul. Dans cette mémoire, comme un lien immatériel, un dialogue virtuel tissé entre deux enfants.
• Manée :
Un film documentaire peut il être considéré comme une œuvre d’art ?
Oui.
Alors je choisis « Monique – LIP » un film de Carole Roussopoulos, une féministe, pionnière de la vidéo. A la suite d’un licenciement, Jean Genet lui conseille d’acquérir ( avec ses indemnités) une des premières caméra vidéo pouvant être portée et manipulée par une seule personne; elle choisit par ce moyen de donner la parole à ceux et celles qui sont tenus au silence dans les journaux ou à la télévision.
En 1973, les salarié-e-s de l’usine de montres LIP à Besançon occupent leur entreprise menacée et décident de la reprendre en autogestion. Monique Piton raconte devant la caméra les quatre mois de lutte et la difficulté pour les femmes pourtant très actives de trouver une place dans un syndicalisme dominé par un monde d’hommes. Jusqu’ici rien de très nouveau et original.
Ce qui fait art c’est dans le récit de Monique l’idée de remplacer le mot femme par le mot arabe et le mot homme par le mot blanc ( voir l’extrait vidéo) et cette idée géniale permet à la fois de prendre toute la mesure des postures de domination ( aussi bien à l’égard des femmes que des arabes ) et en même temps de rire grâce à un humour fin et féroce.
ICI à 2mn
(je te remercie pour cette découverte extra !!)
4 — de littérature,
• Agnès :
Cela fait maintenant presque trois jours qu’il m’accompagne. Autour de nous l’enchevêtrement du monde, frénétique et inexorable, sous la lumière qui tangue. Qu’importe ! Assise au bord du lit, j’attends. Je n’ai qu’à tendre la main pour le toucher. Surtout, ne pas précipiter les choses. Laisser s’égrener lentement les dernières minutes. Comme la plupart du temps quand le plaisir est intense, je m’efforcerai de prolonger l’histoire. C’est la règle du jeu que je me suis fixée. Immuable. Avec tant d’autres les jours se succèdent, semblables, sans que la magie n’opère. Mais avec lui comme avec un petit nombre d’élus, elle est arrivée dès les premiers mots. Ne m’a plus lâchée. Notre aventure n’aurait pu durer que quelques heures, cinq ou six tout au plus. Il valait mieux alors laisser le bonheur en suspend. La fin sera comme toujours douloureuse. Elle promet d’être si belle. Bientôt je soulèverai la couverture, et d’un geste hésitant, je reviendrai à l’endroit même où j’ai laissé ma marque. Ses derniers mots passeront par ma bouche, dans une ultime jouissance.
Et qui sera l’auteur prochain d’un aussi beau voyage ?
5 — un vêtement
• Agnès :
S’habiller pour paraître. S’habiller pour apparaître. Vêtir le bon costume pour faire face au monde. Les costumes devrais-je dire, chacun approprié à la tâche qui lui incombe. A l’occasion. A ce qu’on veut dire, mettre en scène. A ce qu’on juge que les autres en attendent. Aux circonstances.
Mais pour faire face au monde, il faut être à son aise également. Faire concorder aux besoins des circonstances le bien être du corps. Carapace oui, mais carapace dans laquelle on respire. Qui nous laisse libre de nos mouvements. Pas carcan.
Voilà les deux contraintes qui s’imposent à nous lors du choix d’un vêtement. Quelquefois, trop souvent, nous en oublierons une. Nos armoires en sont la preuve. Dans chaque pile on attrape presque toujours le dessus, de tous les vêtements suspendus aux cintres ce sont souvent les mêmes qui vont prendre l’air. Nos fiers élus sont donc ceux qui cochent les critères : du bien être, et de la bonne apparence. Le tout bien sur sans se renier soi-même.
Diabolique le choix du vêtement.
• Manée :
C’était rue de Rennes il y a des années, dans la devanture d’un magasin ( aujourd’hui on dirait plutôt une boutique ), un gilet de laine couleur jaune ( autrefois j’aurais pu écrire sans hésiter un gilet jaune ). Je l’ai tout de suite beaucoup aimé, sa couleur, sa forme plutôt courte ( je suis petite, les vêtements trop longs ne me vont pas ou en tout cas je me persuade qu’ils ne me vont pas ).
J’ai tourné longtemps autour, je suis partie, revenue et je ne sais
vraiment pas pourquoi, je ne me suis pas décidée à entrer dans le magasin. ( Je ne crois pas que c’était à cause d’un prix dissuasif), j’ai renoncé malgré mon envie.
Ce que je sais, c’est que depuis, j’en garde l’image exacte avec la même envie et toujours le même plaisir même si jamais je n’en ai retrouvé un qui me plaise autant, pas même les années, comme en ce moment où le jaune est à la mode.
6 — un objet
• Agnès :
Qu’emporteriez-vous si tout ce que vous pouviez prendre devait tenir dans une boîte à chaussures ? C’est le jeu. La question qui avait été proposée par l’agence spatiale française lors du départ pour plusieurs mois dans l’espace d’un de ces brillants spationautes. Pour exemple était détaillé le contenu éclectique et surprenant de ce qui l’accompagnerait durant son long voyage. Lui cependant espérait bien revenir, et retrouver ainsi les biens dont il se privait seulement pour un temps. Je me prêtais alors au jeu en y ajoutant une difficulté. Et de taille ! Qu’emporterais-je qui tienne dans une boîte à chaussures si je devais abandonner, pour toujours, tout le reste ? Pensant tout d’abord ne jamais arriver à me détacher de tant de ces choses accumulées au fil des ans, je fus cependant surprise de pouvoir assez rapidement faire ce tri imaginé irréalisable.
Pourtant bien sur, le jeu terminé, rien ne s’imposa à moi.
Les murs d’une maison ne sont pas élastiques. Il est bon quelquefois de faire le vide si l’on veut que l’endroit reste vivable. De ce fait je continue donc à me battre (au sens figuré, ne vous inquiétez pas) pour me défaire – quand c’est indispensable !… – de la moindre chose. Et chaque fois le dilemme est exaspérant, chaque fois presque un crève cœur est le détachement.
Peut-être faudrait-il que je songe à faire un tour dans l’espace ?