un temps indéterminé

Date : 29 juin 2020

• La semaine dernière, Marseille-Tulle porte à porte en 12h… le temps d’aller à l’autre bout du monde.
Le contrôleur nous annonce un problème de traction peu après le départ. Panne électrique à Miramas, entre 2 voies. Ça va durer “un temps indéterminé” (on se dit houlà, il est midi moins le quart, on n’est pas sorti de l’auberge ! sauf que pas d’auberge, pas de vente ambulante dans le train depuis le covid, fallait de l’eau et un gros livre en prévision !). On va être dépanné par l'”intra”, quand c’est un problème matériel, dit-il. Remorqué le long d’un quai. A attendre une autre locomotive, qui vient de Marseille. Le personnel SNCF faisant partie des voyageurs est demandé en voiture 3. Rien que dans le wagon où je suis, 2 hommes se lèvent et vont au front. C’est la cas de mon voisin qui venait de s’engouffrer un gros sandwich, il a pris des forces. Quand nous sommes de nouveau à quai, les voyageurs qui veulent rentrer à Marseille peuvent prendre le train qui vient dans l’autre sens (c’est tentant!!)
13h35. Une fois la loco changée, on attend (le temps ne compte plus…) un “bulletin de freinage” (qui certifie que le train peut freiner normalement en toutes circonstances — on apprend des trucs !) pour pouvoir repartir…
Peu de temps après, jamais 1 sans 2 : il y a le feu (!!!). Entre Nîmes et Montpellier. Le train est dévié…
On arrive à Toulouse (eurêka) avec 235 minutes de retard…
Plus de correspondance pour Brive. Après négociation, une demi-heure de battement pour respirer sans masque et voir le ciel d’été avant un TER jusqu’à Cahors, puis deux taxi Mercedes noir format corbillard pour acheminer les désespérés vers Souillac ou Brive. On est 6 (avec re-masque) dans notre taxi. Un homme fait le voyage depuis Antibes pour aller chercher une bagnole d’occasion à Brive. Parait-il que depuis le confinement, les voitures d’occase partent comme des petits pains (quand on a à faire avec la sncf, on comprend pourquoi!!)

• Quelques soirées en liberté, et puis, un cageot d’anniversaire de survie !
 
et Raphaëlle dans son tracteur

et je n’avais pas mon téléphone-photo quand iris m’est apparue dans son jardin avec un immense bouquet composé de 2 grandes fleurs d’ail et de branches de fenouil, le tenant comme un sceptre avec un port de reine et un sourire éclatant avec sa robe verte à gros pois noir, c’est dommage !

• suite des dessins dégradés, le Lieu/lien transformé en atelier entre 2 rdv, avec des inspirations d’ailleurs (Arromanches, par ex…) et d’ici !

 

 

& particulièrement ce dernier dessin pour remercier Jean-Pierre et Violaine, qui se lèvent tous les 2 fort tôt, de leurs encouragements !
& Xavier, puisque la phrase vient de notre “stock” d’Arromanches (c’est une des phrases code du débarquement), qui nous faisait rire en imaginant des indiens sur les falaises, ou lors de notre recherche du “canyon” idéal :

• une autre sorte de dégradé marseillais, après les élections, nous revoilà lundi, une autre semaine commence !

• & pendant tout ce temps-là, Christine, à l’Encre Rouge, continue de bosser en découpe sur notre abécédaire commencé l’année dernière (!), et m’envoie des videos-d’atelier pour me montrer les superpositions et finir de tout mettre au point, et puis après le laser, il faudra réimprimer les “solutions” au plomb…

• et puis, ici, tout bientôt, le retour :


atelier d’écriture du mardi – N° 38

Date : 24 juin 2020

atelier 38, mardi 23 juin
Aujourd’hui nous sommes dans la « forêt du souvenir ».
Nous allons travailler à partir du livre de Opal Whiteley, La rivière au bord de l’eau (ed. La cause des livres)


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Avec Manée, Sylvie, Raphaëlle et David, de 19h à 21h, au soleil doré du soir d’une belle et chaude journée

Lecture des extraits du livre et des consignes, et en route!

1 – Vous connaissez l’histoire de la “Forêt du souvenir“.
(sinon, voir sur le blog)
Ces arbres ont été plantés en souvenir d’hommes, pour ne pas oublier leur mort en juin 44 (il y a 76 ans), mais aussi leur vie.

Ils auraient pu être vos (grands-)pères ou oncles ou voisins…
Choisissez un arbre, et à partir des histoires de votre famille, écoutez-le vous parler. Qu’a-t‘il a vous raconter, dire ou/et taire ?
Entrez en dialogue.

Chacun lit devant “son” arbre :


Je ne sais pas qui je « représente » entre guillemets, qui je porte en moi contre l’oubli, ils étaient 99, nous ne sommes que 60 et quelques
donc on ne peut pas dire tel arbre tel homme massacré et c’est bien ainsi
parce que c’est la forêt qui compte, un ensemble, une communauté, les racines qui s’entremêlent dans des réseaux insoupçonnés, les branches qui s’appuient les unes sur les autres, l’humus que nous avons secrété ensemble depuis des années, les taches de soleil qui nous inondent les jours de soleil,
la pluie qui ruisselle de l’un à l’autre les jours de pluie et l’hiver le gel et les craquements qu’ils provoquent en nous en une étonnante partition.
Et la vie tout autour dans les jardins
comme une renaissance —
Car le silence quand il s’agit d’eux est souvent trop lourd, trop, trop bien comme il faut, trop militaire, trop le devoir de mémoire
Je ne sais pas qui je « représente »
qui je porte en moi contre l’oubli
mais parfois je me prends à penser que ce pourrait être Theillet, ce jeune qui n’a pas accepté de se faire pendre et qui a sauté de l’échelle dans la rivière au dessous de lui et qui pendant quelques secondes ne s’est pas résigné, a décidé.


Chêne américain
On m’a planté là en souvenir des hommes qui sont morts pour certains pendus, pour d’autres partis dans des trains et morts plus tard dans des souffrances plus longues et plus dures.
Quelle responsabilité pour un jeune chêne américain, que d’être avec les camarades les gardiens de ce lieu, d’avoir la lourde tâche de donner à penser aux personnes qui marchent paisiblement parmi nous.
Je ne te connais pas, toi qui est né bien avant moi, je sais que tu préfères les forêts sauvages et difficiles à traverser. Je suis l’arbre d’une forêt politique, symbolique, je suis un agent municipal au service des habitants.
Si tu aimes tant les arbres, c’est peut-être que les pays du nord d’où viennent ta famille n’ont plus d’arbres, les guerres et la grande agriculture nous ont un peu exterminé, il nous reste quelques parcs et quelques domaines où nous coulons encore des jours heureux.
J’espère que mon statut d’arbre politique me permettra de devenir très vieux, mais je me méfie avec vous autres les humains.
Chaque jour, j’entends par mes racines que des pans entiers de forêts disparaissent dans tes collines. Finalement, chaque arbre devrait avoir un statut politique, voir même de réfugié politique.
Allez petit, réfléchis à tout ça et revient me voir de temps en temps.


« Victoire » dit ce grand chêne d’Amérique planté en face de moi. Victoire ? A moins que ça ne soit « Victor ». Car son houppier s’est séparé en deux à quelque 10 mètres de haut. Ce qui fait qu’il a 2 têtes et que ces 2 têtes sont deux branches qui s’élèvent vers le ciel pour former un V. Le V de Victor. Pile face à moi. Il y en a eu des Victor dans la famille. Des Victor et des Henri. Une fois sur deux. Comme ça on peut suivre.
Tout de suite, il est un peu muet. L’arbre j’entends. Il a compris que je ne suis pas très « famille ».
— Mais qu’est-ce que tu leur veux à ces Victor ?
— J’aimerais comprendre pourquoi je ne connais que très peu de leur vie. Leur vie intérieure je veux dire. Ce qui les émerveillait, ce qui les faisait souffrir. Pourquoi et à quelle occasion ils ont fait planter des arbres tiens par exemple.
— Mais tu crois vraiment que tout cela peut se consigner ?
— Ben, vu la quantité d’archives de comptes que j’ai, je pourrais espérer quelque extravagance…


Dans les moments de tempête beaucoup d’arbres succombent.
Les plus jeunes, les plus frêles, ceux qui poussent à l’ombre des grands chênes, ceux qui ont besoin de l’ombre des grands arbres sont fragiles. Ils prennent le temps de pousser leur cime vers la lumière, ils ont le temps. Et petit à petit les grands arbres s’écartent pour les laisser grandir, s’étirer et s’allonger.
J’étais un de ces jeunes arbres, maigre et un peu dégingandé. J’aimais regarder les ronds de lumière se déformer et se déplacer dans la clairière, voir s’enlacer nos branches pour faire un berceau de feuillage ou encore à regarder la lune et son ombre pâle. Et je restais, tranquille, coller contre le tronc de mon grand frère. Nous étions nombreux à habiter cette petite combe fraîche et herbeuse.
Mes parents, Clovis et Marie-Louise avaient choisi de m’appeler James, mais en vrai tout le monde m’appelait Robert. Mon grand frère s’appelait Robert mais on l’appelait Fernand. C’était comme ça.
La première fois que je suis parti de chez moi, c’était en 1939. On m’a envoyé à Dijon. J’étais avec des gens que je ne les comprenais pas, ils étaient limousins. Les allemands sont passés tellement vite, qu’ils ne se sont pas arrêtés. On ne savait pas, nous ! Alors on est rentré à la maison.

& nous écoutons religieusement!

Dominique était absente et a fait l’atelier ailleurs :

2 — Transposez et faites-vous une forêt du souvenir personnelle (au moins 10 arbres personnalisés)
Nommez les arbres, et pour chacun d’eux, adressez-vous à lui.

Sylvie :

A la naissance de Julien, notre fils aîné, ses grands-parents ont planté un châtaignier, évidement, pour des limousins… A la naissance de Camille, un chêne, puis à la naissance d’Elsa, un pommier. Celui d’Elsa, il a fallu le planter deux fois. Régulièrement nous allions leur rendre visite, nous faisions une procession familiale pour leur offrir nos hommages.

Je me souviens aussi de la charmille dédiée aux goûters, et de la petite table de tôle autour de laquelle nous pouvions nous asseoir. Le charme modeste de cette demoiselle nous faisait garder le silence.

Ce n’est pas comme ce tapageur de cèdre du Liban, grandi trop vite, et étêté alors qu’il avait à peine vingt ans. C’était le préféré de Pierrette. Chaque printemps, elle se désolait de voir les oiseaux picorer le jeune bourgeon qui se formait à sa tête. Après quelques années, il a bien fallu se résoudre à l’abattre.

Un autre charme : celui que Dorothée enlaça. Dès qu’elle croisait le chemin des charmes, elle les embrassait. Elle les embrassait tous. Elle faisait leur portrait et les transfigurait de rose et de mauve, de bruns et de verts sombres, leurs ombres les précédaient et les accompagnaient toujours. Ils allaient par deux ou par trois, et le bel ovale de leur feuillage serré coiffait leurs troncs bien droits.

La première chose que je faisais au printemps était d’aller visiter le bois des grands pins plantés contre le petit bois. J’y courais dès la première journée de soleil. J’inspectais les écorces de chaque arbre et dénombrais les gendarmes qui s’y étaient installés. En revenant vers la maison, je longeais la lisière et m’arrêtais ramasser des fraises des bois que je mettais dans un petit bol fabriqué avec des feuilles de noisetier assemblées.

Près de la rivière, le sureau. J’aimerais tant me rappeler la façon dont mon grand-père faisait des sifflets avec tes fines branches. Je me souviens seulement qu’il entaillait ton écorce tendre, la tapotait avec le manche de ton couteau Opinel et la faisait doucement et soigneusement glisser autour du bois. Il pratiquait une encoche dans la peau de ton écorce pour laisser passer l’air. A chaque fois le miracle s’accomplissait. Le sifflet ne pouvait vivre au-delà de quelques heures. Cela se passait près du moulin Enragé où au début de l’automne nous allions faire moudre les cerneaux de noix écalées lors de veillées où nous buvions du vin nouveau. Les vendanges étaient tout juste achevées, les arbres fruitiers nous avaient donnés leurs fruits, et je commençais à espérer la chaleur de la distillerie où je savais que je retrouverais mon père après ma journée d’école.

Le tilleul de l’école. Combien de fois avons-nous joué, accroupis dans la poussière, entre les racines tortueuses du vieux tilleul. Nous ramassions de petits cailloux, des brindilles, des mousses, des lichens et des fleurs que nous assemblions en constructions troglodytes. Très affairés à nos jeux, nos récréations se passaient dans cette ambiance secrète où nous rêvions de maisons accrochées à de hautes falaises.

L’arbre de Diane. C’est un géant ! Il est immense et se dresse majestueusement vers le ciel avant de laisser retomber vers le sol trois énormes branches qui à leur tour se redressent pour former les piliers d’une nef. Les enfants l’escaladent, s’y cachent et y jouent, les grands s’y promènent, admirent sa voûte et s’y reposent, son ombre douce abrite du soleil et le vent n’y pénètre pas.


David :
Salut à toi « le tordu », tout le monde t’a marché dessus petit, cassé des branches, les chevreuils t’ont mutilé, écorcé, et pourtant tu es encore là. Tu es un peu moche certes, mais tu as tenu le coup.

& toi, le demi cramé, si tu te voyais avec tes moignons de chêne charbonneux, dis-donc y z’y sont pas allés de main morte là-haut, tonnerre de Zeus ! Je vois que ça et là tu as encore des branches bien feuillues, comment fais-tu pour être encore vivant avec tout ce que tu as pris dans le buffet ?!

Salut « gros papy », dis-donc pour un charme tu te portes à merveille, vu ta taille, t’as au moins connu Charlemagne, quoi ? tu es classé arbre remarquable, par Jean-Claude Chataur, c’est qui, un copain de Charlemagne ?
Allez l’ancêtre, si tu es classé, c’est que tu as vraiment la classe, j’aurai disparu depuis longtemps que tu trôneras encore dans la vallée.

Tiens, vieille trogne, je te vois depuis que je suis tout jeune, t’as pas changé, peut-être perdu quelques morceaux, vu ta taille, tu étais un sacré châtaigner, j’aime bien te regarder, avec tes yeux torves ; ta bouche aux grandes dents noires, tu ferais peur aux enfants si tu pouvais leur parler de ta voix caverneuse des temps immémoriaux, où les vivants et leurs cochons subsistaient grâce à toi. Quelle bien sombre maladie vous a donc emporté, toi et tes camarades ?

Le Rouquin dans la peinture, un immense hêtre pourpre se mourait dans le parc du château.
Leurs propriétaires m’ont demandé de faire ton portrait en peinture alors que tu étais mort la saison dernière, encore debout mais mort. J’ai dessiné précisément chacune de tes branches et j’y ai remis des feuilles. Ça m’a coûté un tel travail que je t’en veux terriblement. Surtout que tes feuilles sont vertes d’un côté, rouges de l’autre. Pour un peintre, c’est un véritable casse-tête.

La Fontaine, je te connais depuis l’enfance, tu es couché dans la pente, toujours vivant mais ton tronc est comme une gouttière, l’eau s’écoule dedans quand il pleut et remplit un petit abreuvoir à la base de ton tronc. Tu es un miracle. Aucun arbre n’est comme toi, tu as toujours un peu d’eau pour les visiteurs de la forêt, grands et petits, qui viennent le jour et la nuit.


Manée :
1- Le ginko de ma grand-mère
Sais-tu que je t’ai planté il y a maintenant 12 ans juste à la place du noyer sous lequel ma grand-mère est morte subitement un matin en épluchant des légumes près de son jardin qui est maintenant le mien — c’est Gilbert le voisin qui l’a trouvée en conduisant ses vaches au pré — ce noyer est devenu mythique avec cette histoire et aussi avec la tempête de 1982, la première grande tempête dévastatrice d’arbres. J’étais chez mes parents avec mon frère (qui histoire familiale d’arbres, des années après s’est tué en tombant d’un magnolia dont il voulait couper une branche haute) nous avons vu le noyer commencer à se pencher, et nous avons bien cru qu’il allait se déraciner, mais non il reste penché quasiment à 45° et il est devenu mythique une deuxième fois parce que les enfants l’escaladaient sans que les parents ne s’effarouchent du rituel, les adolescents s’y allongeaient pour jouer de la guitare, les chats s’y endormaient.
Et la légende de « attention ne vous allongez pas à l’ombre des noyers elle est trop fraîche et dangereuse » perdurait, d’ailleurs tout le monde savait que la grand-mère y était morte.
Un matin après des jours de forte pluie quand je suis sortie de la maison tôt pour aller travailler j’ai eu une curieuse sensation, en fait je ne m’étais pas aperçue tout de suite que le noyer si familier, si immuable était tombé pendant la nuit, si délicatement qu’il avait même évité un petit camélia planté peu avant.
Il y a soudain un drôle de vide qui a duré plusieurs jours.
Et puis j’ai constaté qu’il y avait plus de lumière dans la maison alors j’ai eu envie de te planter, toi ginko, plutôt étranger dans ce pays et qui à l’automne devient un arbre de lumière.

PS : j’adore utiliser tes feuilles d’or comme marque page

2 — Le douglas de mon grand-père
Tu es tellement immense avec tes 110 années
Je ne sais pas si tu te souviens mais quand j’étais petite tu avais déjà de grandes racines en partie apparentes qui formaient de petites cavités,
Je disais que c’était de petites étables et j’avais comme lui 13 vaches (des petites pommes de pain) et ma préférée c’était la banou celle qui n’avait qu’une corne parce qu’elle n’était pas comme les autres. ( En patois d’ici, pour corne on dit bane )

3 — Le châtaignier un peu déplumé dans le haut du pré
Je suppose que tu as bien conscience que sous toi sont enterrés des générations de chat, ….Et de chiens : Pillou, Baloo, Sapho, Trèfle, Bohème et qu’ils t’ont enrichi de leur matière organique

4- Avant de lire ces textes de Opale Whiteley et d’essayer de suivre les consignes de Fabienne Yvert, je n’avais jamais pensé, hors des occasions familiales, amicales, ou amoureuses à planter des arbres pour constituer une forêt du souvenir plutôt de personnages que j’aime ou que j’admire, qui m’ont « guidée » entre guillemets ou bien dont je pense que ce serait bien qu’on se souvienne un peu plus d’eux. Et comme il ne me reste que 7 arbres à personnaliser, je vais avoir du mal à choisir.

Disons pour commencer Louise Michel / un bouleau au feuillage léger
Parce que sa légèreté, quand de sa prison elle écrit sur les mésanges charbonnières va bien avec ton feuillage léger.

5- Miguel Enriquez / un châtaigner majestueux
Les militaires l’ont criblé de balles dans une rue du quartier Sante Fe à Santiago du Chili, je crois qu’il serait bien dans une de tes bogues, tellement douce à l’intérieur, piquante à l’extérieur.

6 – George Sand
Peut-être le cerisier sauvage et le charme qui ont poussé en s’enlaçant au bord de l’étang, je ne choisis pas entre vous deux car un arbre seul ne lui conviendrait pas je crois.

7- Simone de Beauvoir/ ?
Le 9 janvier prochain,  ( c’est le jour de naissance de Simone de Beauvoir et c’est aussi le jour de naissance de mon frère qui est mort en tombant d’un arbre, ça n’a rien à voir sauf que c’est des histoires d’arbres mais ce n’est pas la faute de l’arbre… ) bref le 9 janvier prochain je choisirai un arbre pour elle dans ma forêt du souvenir en construction, je ne sais pas encore lequel mais je regarderai et je l’imagine avec une sorte de turban de branches au haut de son tronc.

8- Ariane Mnouchkine / le vieux chêne au fond du pré
Elle te ressemble un peu, vieille, vivante, indéracinable, solide sans être rigide, fidèle, accueillante; les biches viennent souvent l’hiver par grand froid brouter sous tes ormeaux et manger tes glands ; elle, sème des graines de langages et d’humanité dans son théâtre du soleil pour les jours de grand froid politique et comme je te vois chaque jour dans le soleil levant (quand il se lève) il me plait que dans ma forêt du souvenir tu la représentes.

9 -Les deux Simone Weil et Veil  / le hêtre et le bouleau entremêlés
Elles sont comme vous, différentes et entremêlées dans mon panthéon choisi, si opposées politiquement si proches humainement.

10- Delphine Seyrig/ un saule au bord du ruisseau
et surtout le chant de l’eau à ses pieds pour la voix de Delphine que je pourrais écouter pendant des heures.


Raphaëlle
:
Papillon.
Papillon habite la Bretagne et a été planté en double ligne dans un allée monumentale d’un kilomètre qui mène à un manoir. Papillon a donc vu la scène.
Papillon, c’est l’objet qui est entré dans le creux de mon genou quand j’avais environ 5-6 ans et que mon frère me portait sur son porte-bagage. Il est tombé, moi avec et le papillon m’a transpercée.

Vol.
Vol, c’est le fruitier que j’avais planté pour honorer la naissance d’Adrien alors que ses parents résidaient à la maison. Je l’avais planté dans ma prairie, à l’entrée du domaine. 2 jours plus tard, on l’avait volé. Je l’ai remplacé par un chêne. Plus loin, caché.

Sidération
Je suis arrivée trop tard : Une entreprise de réinsertion avait pour mission de réhabiliter le lavoir du fond du pré, à l’ombre d’un très grand chêne qui s’appelle depuis, Sidération. Ils ont commencé par vider le lavoir et pour cela, ils ont coupé ses racines à ras, bien consciencieusement. Je n’ai pu que constater les amputations racinaires qu’ils lui ont faites.
Depuis, Sidération est hémiplégique à 80 % .

Vertigineux
Tout une allée de Douglas menait à notre maison de campagne. Mon frère, qui avait démarré jeune l’alpinisme aimait à m’emmener en haut de leurs cimes. Le plus excitant, c’était de se laisser bercer au gré du vent mais surtout, d’appeler notre mère qui avait bien du mal à nous voir tant nous étions haut perchés mais qui ne manquait pas de dire « vertigineux ! »

Dangers potentiels
Des milliers d’arbres de nos forêts sont tombés à la tempête de 99. Pour l’occasion, nombre des mes amis m’avaient rejoint dans la forêt par terre de laquelle nous essayions d’extraire des grumes du tas d’arbres enchevêtrés. Le soir, bien fatigués, nous sommes rentrés à la maison. Point d’électricité, pas de chauffage. Pour survivre, j’avais emprunté un ventilateur thermique à un ami. Un de ces trucs agricoles qui pulsent des milliers de KW en quelques minutes mais qui en même temps, vous asphyxient. Cerise sur le gâteau : il ne se servait de son ventilateur que dans ses porcheries. Ainsi, l’air pulsé chauffait certes mais consommait notre oxygène en même temps qu’il se répandait une immonde odeur de porc.

Virginie Despentes
Tiens, c’est marrant, les arbres sont tous de genre masculin. L’occasion rêvée d’en nommer un Virginie Despentes.
Combien faudrait-il planter d’arbres pour symboliser les témoignages de femmes victimes des hommes à travers le monde ?

Monument éphémère.
Cette nuit là, j’aurais pu deviner que vent allait le déchirer. Il s’est ouvert en deux. Sans un cri.
Et pourtant, la déchirure laissée est très impressionnante. Le voilà à terre, presque totalement. Tout semble encore si vivant pourtant.
Moralité : la beauté ne dure qu’un temps. Mieux vaut être petit et frêle, se fondre dans la forêt et rester au milieu de ses congénères.


Dominique :

 

 

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de toutes les couleurs

Date : 21 juin 2020


En préparant des “fonds”, j’ai complété ma gamme colorée.
Avec une question : d’autres couleurs surviennent suivant les saisons ? La lumière du lieu où on se trouve ? Ce qu’on a dans la tête, du plus confus au plus tranché ?
(& aussi ce qu’on a en stock..!)

C’est le moment de protester : comme la gamme de papiers qui s’appauvrit de la part des papetiers, les marchands de couleurs suivent une mode ou/et la consommation ou/et des économies, vers une simplification…

Le bleu Hoggar a perdu de la profondeur en quelques années, & le rouge Breughel (mon pot a séché depuis… pas mal d’années d’inutilisation..!!) a disparu. On peut toujours le faire avec des mélanges, vous me direz, mais c’est tout de même navrant, sinon rageant !

Pendant ce temps coloré, dans les messages,
à Tulle, le temps semble pourri, mais

à Marseille, de l’intérêt d’utiliser un même bleu

à Paris, MissTic sur la devanture de la librairie Traversée, rue Mouffetard

Pour finir, une grande pensée de Pierre Dac :
Si la matière grise était plus rose, le monde aurait moins les idées noires.


atelier d’écriture du mardi – N° 37

Date : 16 juin 2020

atelier 37, mardi 16 juin
Aujourd’hui, voici des extraits d’un livre d’Henri Cueco, Le collectionneur de collections  (Seuil)

et de Dominique Petitgand, Sommeil léger

1 — et vous, quels silences collectionnez-vous?
Faites une petite analyse de ce que cela signifie pour vous avant de dresser une liste (un peu longue…) de (vos) silences, avec quelques développements

Sylvie :

Quand rien ne se passe et que rien n’arrive
Le silence a quelque chose du vide
Pourrait-on dire tomber dans le silence comme on tombe dans l’oubli ?
Et si on silence… je m’y lance
Tomber en silence, sans un bruit, sans un cri

Le silence après la mort, quand tout est fini
Le silence quand personne ne répond
Son téléphone sonne, je frappe à sa porte, silence radio
Le silence est inquiétant quand les oiseaux de la forêt s’arrêtent de chanter et guettent le danger
Champ des martyrs, silence

Je silence en silence, tu silences, il ou elle silence, nous silençons, vous silençez…

Le silence du dormeur
Le muet enfermé dans son silence, mais il se peut qu’il crie, qu’il hurle, pleure, rit, ou grogne
Pleurer en silence
Manger en silence

Le silence des geôles et des écoles
Le silence de l’artisan concentré sur son ouvrage
Le silence de l’atelier, le silence de la couturière penchée sur sa machine à coudre. Elle actionne le pédalier dans un balancement du corps
Le silence de la solitude
Le silence de l’enfant devant son devoir
Le silence de la salle de classe

Taisez-vous, silence s’il vous plaît !
Je demande le silence pour pouvoir parler
La parole est d’argent mais le silence est d’or
Est-ce que beaucoup de silence peut faire beaucoup de bruit ?

Le silence de la nature
Le silence de la montagne
Le silence des étangs
Le silence des ruines

Rompre le silence
Colle ton oreille à la porte et écoute le silence
Je ne bouge pas, je reste en silence
Elle s’est enfermée dans son silence
Un silence religieux
Croire au bienfait du silence

Partir sur la pointe des pieds, en silence
Chez moi le parquet craque, même la nuit quand tout semble silencieux

Le silence étouffant de l’été, la chaleur écrasante sur les champs de blé juste moissonnés
Dans le silence du jardin, j’ai lu Le hussard sur le toit et Les petits chevaux de Tarquinia
4 minutes de silence

Sylviane :

Raphaëlle :

Manée :
Le silence pour moi n’existe plus.
Je voudrais bien en collectionner encore mais je collectionne plutôt à mon insu des acouphènes c’est-à-dire que ce n’est jamais plus le silence en moi ni autour de moi.
Disons que je peux encore au moins apprécier ou redouter des silences relatifs.

Le silence inhabituel pendant le confinement avec la quasi absence des voitures et camions sur la route proche et même des tracteurs et des tondeurs acharnés du dimanche.
J’aime le silence de la nuit ponctué des craquements des brindilles sous mes pieds, les silences quand il n’y a rien à dire et que personne ne parle pour ne rien dire, les silences après la plénitude, les silences qui suivent enfin les moments d’hystérie, les silences des mots que je préfère ne pas entendre et comme je suis sourde, ça tombe bien, je ne peux pas les entendre.
Je me souviens aussi du silence de la pleine mer quand je n’avais pas encore d’acouphènes ou encore du silence du milieu des bois.

Je redoute le silence qui s’installe dans une réunion de travail ou repas de famille après un avis à contre-courant.
Je redoute parfois le silence de l’absence de vie et de mouvement à la campagne.
Je hais les minutes de silence qui tiennent lieu avec facilité de paroles difficiles à prononcer.
Je redoute les silences imposés et les silences qui suivent les disputes.

Sandrine :
Le silence est-ce le vide, l’absence de vie…est-ce pour cela qu’il me fait peur. Et pourtant je me plains du bruit.

  • Silence des nuits de bivouac, frôlement des duvets, respiration des voisins, après le coup de vent dans les fils de la tente
  • Silence demandé dans la salle de classe, silence arraché aux étudiants bruyants et indisciplinés, silence supplié, et silence trop éphémère,
  • Silence après les mots « je te quitte, je pars, je ne t’aime plus », gorge nouée, son bloqué, le silence du regard chargé d’incompréhension,
  • le silence émerveillé devant la lanterne qui s’envole, devant le cerf-volant qui dessine des huit, devant l’aigle qui plane, le temps de se croire un oiseau
  • silence devant une scène du film qui dérange, une scène insupportable de violence, quand on sait que l’histoire est vraie
  • silence de la chambre d’un mort, une petite fille semble endormie mais on n’entend plus sa respiration, on n’entend plus ses rires, on ne l’entend plus réciter ses tables de multiplication, les blancs entre les mots car on s’est pas quoi dire pour réconforter les parents, le silence du petit cercueil qui descend dans la terre
  • le silence après la colère, après la porte qui claque et le « va dans ta chambre », le silence amer de la mauvaise conscience, de la culpabilité, du « je te promets de ne plus me mettre en colère »
  • le silence de la dernière page, du dernier mot, du dernier point d’un livre qui bouleverse, la couverture que l’on referme, le poids du livre que l’on pose sur les genoux et le temps qu’il faut pour revenir ici et maintenant
  • une réplique de cinéma et le silence du personnage, après la réplique, pour laisser le temps au spectateur de comprendre, de se demander ce qu’il va faire, dire, comment il va réagir.


David :

Je ne suis pas très à l’aise avec le silence, j’ai appris à le côtoyer, avant je le brutalisais, aujourd’hui il m’est nécessaire en particulier dans des moments où je dois réfléchir.
Le silence la nuit dans la maison au bord de la forêt. Parfois une chouette vient surligner le silence.
Le silence faiblement rythmé par celle qui dort à coté de moi
Parfois elle parle en dormant puis à nouveau le silence mais à présent je suis réveillé.
Il y a des silences qu’on surveille de près, à la maison son silence est comme un mur qui commence à vaciller et qu’on va bientôt prendre sur la gueule.
Très impressionnant quand dans la forêt les oiseaux qui sont bien là tout autour ne chantent pas.
Quand les voisins ne sont pas là.
En haute montagne il y a un silence qui n’existe pas ailleurs.
Le confinement que nous avons tous traversé a créé des formes de silence inconnues jusqu’alors.
Quelqu’un qui nous est cher disparaît.
Une minute de silence.
S’approcher en silence pour faire peur à l’autre.
Parfois le silence est en ruine.
Le silence entre deux personnes qui ne savent pas quoi se dire, entre un père et son fils, qui va le rompre en premier et pour dire quoi.
Fermer sa gueule, un silence salutaire.
Le silence au cinéma…

Dominique :
Le silence…Est-ce le bruit qu’on entend lorsqu’on s’arrête et que l’on écoute ? Ce que l’oreille perçoit lorsqu’un bruit s’arrête qui masquait les autres sons autour de nous ? Est-ce l’absence totale de bruit, la non-perception de sons, donc quelque chose de « personnel », de subjectif ? Le silence, au contraire, est-il « universel » ? Est-il tout cela à la fois ?

Par exemple, là, tout de suite, le silence règne dans la pièce mais si j’écoute, j’entends le glissement du stylo de Manée, la respiration se Sylviane, les doigts de Raphaëlle qui tapent sur son clavier, le bruit des voitures qui passent dans la rue, les piaffes et les pigeons…Pas LE silence ! Se cache-t’-il en moi ? Non, même si je me concentre sur l’écriture, j’entends les mots qui défilent dans ma tête : le vrai silence n’existe pas ou alors, peut-être, le silence sidéral, hors de la terre, dans le cosmos…

Mais, puisqu’il faut faire une liste, allons-y !
—  Le premier qui me vient, c’est le silence de fin de concert, lorsque les voix ou les instruments se taisent. Il ne reste que la résonnance des sons qui m’enveloppe des pieds à la tête comme un bain de « non-son ».
—  Oui, tiens, il y a le silence sous l’eau : immergé dans l’eau, les sensations auditives sont différentes, floues, on pourrait presque toucher le silence…

Ah, ça commence à me venir …Alors, en vrac :
— La minute de silence pour dire adieu à ceux qu’on aime
— Le silence de la nuit, celui du repos, du sommeil
— Le silence du suspense, le film du dimanche soir en famille ou le ciné à deux, on se serre…
— Le silence gêné, après un trop-dit ou un non-dit
— Le silence-panique, à la recherche de quelque chose, de quelqu’un ou simplement d’une parole
— Un silence de mort, angoissant de solitude
— Le silence nonchalant, dans la torpeur de l’été, les volets fermés…

 

2 — a contrario, faites une liste (un peu longue…) de bruits, avec quelques développements
Classez-les par catégories de votre invention (pensez à Sei Shonagon)

Sylvie :

Le vent dans les arbres avant la pluie
Le grondement de l’orage
Le crépitement des éclairs
Le claquement du vent dans les voiles
Le clapotis de l’eau
La pluie tambourine sur la verrière de l’escalier : ce jour là, impossible de sortir sans mon parapluie
Un autre jour, la grêle s’est abattue dans un bruit de tonnerre ! En quelques minutes tout était recouvert d’un voile blanc. Les grêlons, gros comme des billes de verre, avaient tapissé le jardin. Dans le ciel jaune, puis mauve, les hirondelles ont repris leur ronde en de longues poursuites stridentes.

Un tocard a appelé la police pour se plaindre d’un voisin trop bruyant, un saxophoniste cinquantenaire qui pendant le silence du confinement s’était cru autorisé à partager sa passion. Fichtre ! “Et vous n’avez pas la tête grosse comme ça ?”
La musique adoucit les mœurs, à ce qu’on dit…
Le même tocard a appelé la police pour se plaindre de passants éméchés, chantant et hurlant…

Le bruit de la musique abrutissante des supermarchés
Le bruit de la radio qui égrène ses sons nasillards
Il me revient le bruits des talons dans la rue sainte Catherine à Bordeaux

Le bruit du père qui hurle sur ses enfants
Le bruit du mari qui hurle sur sa femme
Le bruit de la bouteille qui se renverse
Le bruit de la gifle
Le bruit des coups répétés
Le bruit de la porte qui claque
Les cris des enfants, les pleurs de rage

Le bruit des quads dans les chemins creux
Le bruit du moteur trafiqué de la mobylette
Le bruit de la tronçonneuse
Le bruit de la tondeuse à gazon, du taille haie, de la débroussailleuse, du compresseur, de la scie électrique et du Karcher

Sylviane :

Raphaëlle :

Manée :
Les bruits qui font du bien
Le bruit de l’eau qui coule, d’un vent léger dans les arbres, des abeilles, des noix qui tombent, du pivert qui creuse, des feuilles mortes sous les pieds, les mots chuchotés, le bruit de la pluie sur le toit quand on sent la chance d’avoir un toit sur la tête, le bruit des arbres qui craquent de sève, d’un bon vin qui coule dans le verre ou d’un thé dans la tasse, du froissement de l’herbe, des manifs quand elles ne sont pas ringardes, des jeunes oiseaux qui volètent, des craquements du parquet au-dessus de ma tête, signe d’une présence.

Les bruits qui font mal.
Les acouphènes, le cri d’une bête qu’on égorge, les hurlements de haine, les avions militaires qui déchirent l’air, le bruit d’un vieil arbre qui s’abat, d’une circulation ininterrompue, la perceuse du dentiste, les os qui craquent lors d’une chute, le bruit des tirs de chasse dans les bois, le reniflement de ceux qui ne se mouchent pas, le grignotement des pop-corn au cinéma, le frottement d’une main sur un tissu de velours, le bruit du moustique qui tourne dans la nuit.

Sandrine :
Le bruit c’est la vie

  • le bruit du bébé qui tête, sa main posée sur mon sein, il y a longtemps
  • l’histoire du soir que je lis à voix haute, en changeant de voix à chaque personnage
  • le bruit de l’échelle du lit, des pas d’une petite fille qui se glisse dans le couloir
  • bruit de la sonnerie de la récré, des enfants qui sortent en riant, du cartable que j’attrape
  • le bruit des verres qui t’entrechoquent, du « à la tienne » les yeux dans les yeux, de ces moments conviviaux
  • le bruit des manifs, des slogans scandés, des poings levés, des banderoles brandies
  • le bruit de la déglutition, de la mastication, des couteaux qui émincent, du pot d’ épices que l’on ouvre, des bouillons de la sauce, du plat que l’on pose au centre de la tablée
  • le plaisir de chanter à tue-tête, et même de chanter faux à tue-tête
  • le bruit de mes pas sur le chemin, le bruit du bâton de marche, le bruit de la carte de randonnée que je déplie
  • le bruit de la radio, des génériques des émissions, de la voix de François Morel, de Jean-Claude Amesène, de ce comédien de la comédie française qui lit des livres et qui joue à la comédie française, comment s’appelle-t-il déjà ? ah oui Guillaume Gallienne, et des chroniqueurs du Masque et la plume.
  • le bruit de mon amoureux qui ronfle, qui m’énerve un peu mais qui me fait sentir en vie, et puis je mets un bouchon et je m’endors.

Le vacarme c’est l’enfer

  • le bruit de quelqu’un qui ronfle mais qui n’est pas mon amoureux
  • Le bruit de l’aspirateur, du rangement des piles d’assiettes, de la machine qui essore et qu’il faudra étendre
  • Le bruit dans ma tête des choses à faire, à ne pas oublier comme le sac de piscine à prendre, le carnet à signer, la réunion à préparer, les copies à corriger, le bruit du retard et de la fatigue
  • Le bruit des grosses vagues qui dévastent tout, qui bouillonnent, le bruit des rouleaux qui se fracassent sur le sable et qui me fait peur
  • Le bruit de cette voisine qui crie, qui hurle qui invective ses enfants
  • Le bruit des jeunes qui friment sur le quad, qui font vrombir le moteur, bruit de petits cons qui me font sentir vieille
  • Le bruit des supporters de foot, qui hurlent, insultent, bêtes et méchants
  • le bruit du klaxon du mec qui râle car j’attends pour me garer, l’insulte que je ne comprends pas et qui me fait pleurer
  • et surtout le bruit infernal du tic-tac de la montre de ma sœur lorsque nous dormions en vacances, de l’horloge dans la chambre de Christophe chez ses parents, le bruit de cette goutte qui sans cesse tombe et résonne et qui m’empêche de dormir


David :
Les bruits c’est plus courant que les silences.
Les bruits qu’on partage en famille.
Les bruits qui courent
Le bruit des instruments du dentiste.
Le bruit des tronçonneuses dans la forêt.
Les bruits de bottes qu’on aimerait ne jamais entendre.
Mes voisins ne font pas du bruit, ils sont LE BRUIT.
Il y a des gens qui font du bruit gratuitement, ça n’a aucun sens, c’est juste pour signifier « je suis là, j’existe par le bruit”.
Il y a des bruits qu’on surveille de près, quand on roule dans une vieille bagnole.
Les abeilles émettent des sons différents selon les circonstances, Quand elles sont énervées ça s’entend vraiment, et mieux vaut ne pas trop traîner dans le coin.
Les téléphones sont du bruit qu’on emporte partout avec soi et qu’on partage généreusement avec les autres.
Le bruit d’une classe qui s’approche au loin dans la rue pour visiter l’exposition que je vais leur présenter. Ils approchent, je suis un peu tendu, ça va bien se passer me dis-je pour me rassurer.
Le bruit d’une ville que je ne connais pas, la nuit, dans un hôtel, impossible de dormir car c’est trop bien.
Le bruit des premiers oiseaux du matin.
Le bruit d’un orage qui s’approche en haute montagne, sous la tente je suis un peu inquiet, ça va bien se passer, lui dis-je pour la rassurer.
Le bruit du camping en bord de mer.

Dominique :
–  Le bruit de l’eau qui court ou celui des vagues
–  Le bruit de mon ventre qui grogne et celui de mon cœur qui cogne dans mes tempes
–  Le bruit qu’il fait en mangeant et qui m’agace tant
–  Le bruit des feuilles qui bruissent, du vrombissement des abeilles dans le tilleul en fleurs, du grillon les après-midi d’été
–  Les bruits qui grincent : grilles, portes, vieux outils rouillés, mal entretenus ou d’un autre temps, et toute la peine qu’ils trimballent …
–  Le bruit de la cour de récréation, des enfants qui crient : celui-là, je ne l’entends plus depuis le mois de mars, les enfants ne crient plus, ils ne jouent plus. L’école est devenue une prison.

Si je devais les classer :
– Il y a les bruits de la vie, du corps qui vit, ceux qui viennent de nous et que l’on ne maîtrise pas (le ventre qui grogne, le cœur qui bat, les bruits de bouche…)
– Les bruits de la nature : eux, me font du bien. La sensation de participer à ce qui m’entoure, à ce qui est beau. Cela m’apaise instantanément (les bruits d’eau, de feuilles, d’insectes…)
– Les bruits du passé et de l’angoisse : les grincements, les portes qui claquent, les voix qui se déchirent, les cris. Il y a aussi les bruits de guerre, les bruits de bottes, de soldats qui défilent et plus proches, celui des sirènes des voitures de police, des ambulances, du brouhaha de la foule énervée et prête à tout, les bruits désespérés.
– Les bruits de l’harmonie, de la vie qui recommence alors qu’on n’y croyait plus : le gazouillis d’un bébé, le rire d’un enfant, l’intonation joyeuse dans la voix de ceux qu’on aime, les vocalises rigolotes qu’un chante en chœur, un peu fofolles mais qui font un bien fou, les jolies voix qui vous enveloppent d’une telle suavité qu’on arrête tout pour écouter … Les bruits du bonheur en somme !

 

3 — Comme on peint un paysage sur une toile, avec les mots, peignez (du verbe peindre) moi votre paysage sonore habituel (silences & bruits)
Pensez à votre style, vos choix du traitement de l’espace (celui de votre “paysage” et celui de l’écriture)

Sylvie :
Mon appartement se trouve entre deux rues, deux expositions sud sud-est et nord nord-ouest.
Côté chambre, tôt le matin, la balayeuse municipale fait son tour pour récupérer les détritus accumulés la veille, nettoyer les caniveaux, aspirer les feuilles, les papiers gras, les cannettes abandonnées… si je me réveille à son passage, pas sûr du tout que je me rendorme.
Les camions frigorifiques s’arrêtent là eux aussi, ils restent un moment au bas de l’immeuble et laissent tourner les moteurs le temps de faire leurs livraisons au restaurant de la cité.
Petit à petit la circulation se fait plus dense, et à leur tour les bus viennent déverser des centaines d’ados. Ils traversent la place et montent à pied par des ruelles étroites vers les écoles du boulevard. Quelques-uns s’attardent autour d’une radio ou de jeux d’enfants, d’autres s’invectivent bruyamment. Le jour se lève et fait claquer les sons.
De l’autre côté du mur de la chambre, le radio-réveil de la cuisine est branché sur France inter. Je connais la voix de chaque chroniqueur et de chaque journaliste, je connais aussi toutes les plages horaires, pas besoin de montre ! Le chat aussi sait qu’il est l’heure des retrouvailles, il miaule et gratte à la porte jusqu’à ce que quelqu’un se lève.
Le côté nord-ouest est resté dans le silence et la fraîcheur. Le petit matin s’étire et sort de sa torpeur. A peine si quelques martinets criaillent.

Sylviane :

Raphaëlle :

Manée :

Le silence bienvenu de la nuit quand plus aucun véhicule ne passe plus sur la route proche, la douceur du chant des crapauds, le cri de la chouette qui habite là depuis des années (quand je ne l’entends plus, j’ai peur qu’il lui soit arrivé un mauvais sort) la cloche japonaise qui tinte doucement suspendue au camélia, les coassements des grenouilles (une ou deux ça va, mais quand elles s’y mettent toutes ça me casse vraiment les pieds), la tondeuse du voisin qui massacre son herbe (le végétal est un ennemi), le silence et la délicatesse des chattes, un merle fou, toujours le même qui chante plus fort que les autres au sommet de la grange comme une girouette vivante, le téléphone fixe (quand il sonne je ne réponds jamais car c’est l’heure des démarchages), la musique et les chansons et les émissions radio que je choisis, le froissement des pages de journaux ou de livres, la machine à expresso avec son bruit agréable et malheureusement ses capsules en aluminium polluantes (mais bon, quand on est à la campagne et qu’on ne peut pas aller boire un bon café au bar du coin, on a le droit quand même, mais je sais bien que je vais devoir changer de machine et de bruit), la voiture du facteur et l’espoir d’une vraie lettre écrite à la main, le bruit du vent dans l’immense sapin planté par mon grand père il y a 110 ans, les bruits de mon téléphone portable différents selon qu’il s’agit d’un sms, d’un message oral, d’un mail, d’un message sur messenger ou je ne sais quoi encore mais je ne m’y retrouve pas alors je regarde toujours et en plus les sons changent même quand je ne touche pas aux réglages, c’est infernal ; parfois sur le chemin qui vient de la châtaigneraie, interdit à la circulation, le bruit d’un engin tout terrain à trois roues, ça m’enrage car quand je cours après pour leur dire de ne pas recommencer ils ont déjà disparu, le bruit de l’eau qui coule vers l’ancien abreuvoir pour les vaches.

Sandrine :
à 19h, un jour de semaine, avenue Louis Ravas, Montpellier :
La radio est allumée dans le salon, après la ritournelle sur les gestes barrières qui finit par « et éviter les embrassades », le journaliste égraine les nouvelles, un reportage dans les rues de je ne sais quelle ville illustre la réouverture des bars restaurants. Une pub nous incite à acheter une nouvelle voiture, qu’on pourra payer en 2021, et en plus il y a une prime. Je rage en silence contre la société d’avant qui revient au galop, encore plus consommatrice, polluante et individualiste. Sur le canapé, ma fille tourne les pages de sa BD et me dit qu’elle a faim. Je pose une assiette qui fait un bruit sec sur la vitre de la table basse avec deux tartines de chèvre frais décorée une rondelle de concombre, pour patienter. A travers la baie vitrée de mon appartement, ouverte sur le balcon, j’entends les chats des voisins qui miaulent, le vent dans les cyprès et la pie qui jacasse en narguant les chats, mais aussi et surtout le bruit de la télé des deux étudiantes du bâtiment A, le bruit des voitures qui passent trop vite dans la rue, et le klaxon colérique qui aboie pour que la voiture qui se gare tous les jours devant le portail, tout ça pour aller faire des courses à l’épicerie d’en face, dégage. Les voix de ces hommes qui parlent fort, d’un côté à l’autre de la rue, comme dans une rue du bled, me transportent un peu ailleurs. Mon voisin paysagiste rentre sur le parking et gare son camion. Ma voisine allume un appareil qui fait une petite musique pour son bébé, c’est un peu lancinant mais cela ne me dérange pas. Mon téléphone vibre, je lis rapidement un message qui propose d’aller pique-niquer au zoo ce dimanche, pourquoi pas, mais quel temps fait-il dimanche ? Je commence chercher la météo, puis je sursaute car la plaque de cuisson se met à biper, j’ai laissé déborder l’eau des pâtes

David :
C’est souvent elle qui fait du bruit en premier, j’entends le bruit de la machine à café et deux minutes après l’odeur de ce bruit me vient aux narines et c’est bon. Le plancher de la vieille baraque craque de partout. J’allume la radio. Le bruit de mon vieux diesel qui démarre difficilement suivi d’une odeur écoeurante.
Quand j’ai le temps le matin je traîne au lit à lire. Le livre que je lis en ce moment, Suttree de Cormac McCarthy, est plein de bruits de bouteilles et d’alcool, les bruits du malheur, le bruit des bas fonds de l’humanité. Certains livres sont silencieux.
La journée j’alterne entre bruit du fourgon et bruits d’école, de cour d’école, de paroles d’élèves dont certaines me font monter des larmes difficiles à dissimuler, ou me font rire, ou me révoltent mais je ne laisse rien paraître. Au bureau je cherche le silence, mais nos proches voisins du conservatoire de musique répètent et font leurs gammes, parfois c’est très beau, parfois c’est véritablement criminel, comment est-ce possible de faire ça avec un violon. Au début les cours de trombone me faisaient penser à une attaque d’éléphants.
Dans ma vallée je comprends tout ce qui se passe au moindre bruit car j’y vis depuis l’enfance. Parfois un arbre immense qui ne tenait plus qu’à un fil s’effondre dans la pente pas loin, victime d’une tempête qui a sévi trois mois plus tôt. J’ai fait beaucoup de bruit en construisant la maison, pendant des semaines, une mésange est venue taper furieusement au carreau comme une folle qui voudrait se venger.

Dominique :
C’est un paysage de plages. Plusieurs tableaux avec la même plage à différentes heures du jour ou différents jours…
Une plage sous la lune, le silence de la nuit, bercé par les vagues presque imperceptibles. La mer est d’huile et la lune se reflète dans l’eau. Nuances de bleus foncés ponctués du blanc lumineux et doux des étoiles et de la lune…
Une plage que le ciel menace. La mer moutonne mais le silence est angoissant ; des grondements sourds commencent à poindre au loin dans les nuages. La lumière s’électrise …
Une plage sous la tempête. A l’horizon, les éléments déchainés s’amusent avec un bateau. La peur de couler. Le bruit assourdissant qu’on peut lire dans le ciel assombri. Le gris du ciel rejoint celui de la mer, tout rugit.
Puis le calme après la tempête. Le soleil revenu. Les enfants jouent sur la plage dorée, on les entend rire et chanter dans la lumière douce et chaude presque floue… Et là, près du rocher, étendue sur le sable, sur une serviette moelleuse, c’est moi. Je m’abandonne aux caresses du soleil, bercée par le bruit des vagues…le bonheur !

2ème version
Ça commence avec le chant des oiseaux puis parfois du papier que l’on froisse et griffe tout près sur mon bureau ou le claquement du tapis de l’entrée : le chat veut ses croquettes parfois, s’il y a urgence, la chatte va faire des gammes bien sonores sur le piano …Puis le glouglou du café qui passe, l’écho assourdi de la radio encore engourdie de sommeil. Vient ensuite celui de la guitare, souvent suivi par la voix de mon mari , des chansons d’Henri Salvador ou des standards de jazz, alors selon les jours, je vais moi aussi faire quelques vocalises ou écouter les fleurs du jardin ou bien encore me plonger dans les bruits de la ville, des gens, du mouvement. Je retrouve mes amis ou ma famille et leurs voix réconfortantes, les verres qui trinquent… Il y a aussi la pluie sur les carreaux, un air de jazz ou de classique (Fip c’est génial pour ça !) et le bruit de la machine à coudre ou le vrombissement des insectes, celui de la chaise longue qu’on déplie, le chant des grillons et le bruit des pages d’un livre…De temps à autre, le vroum- vroum du camping-car ou l’énorme son du décollage d’un avion viennent animer mes oreilles , promesses de nouveaux horizons…


à voir

Date : 15 juin 2020

Durant ces derniers 15 jours, ces choses remarquables :

Un message de Jean-Pierre, qui a vu un drôle d’arbre sur la route

(style goupillon !! on se demande quand même s’il bouge les soirs de tempête !)

dans la bibliothèque de la Villa La Brugère, ce petit livre hors catégories, en pensant à Jean-Pierre, justement, quant à une façon de traiter ce qu’on entend :

extrait d’un article de Pascal Mouneyres :

& dans la même collection, toujours dans la bibli de La Brugère :



Un message dans une bouteille
trouvé sur la plage en bas des escaliers pour accéder à la Villa La Brugère

 

Qui ne pouvait mieux s’échouer (par mains ou par mer?) qu’ici :





Un nouveau moyen de diffusion du livre…

& les petits livres de Thierry Weyd :


    


par plage et par falaise

Date : 14 juin 2020

Notre (fin de) séjour à Arromanches en quelques photos :

— Apprécier les lumières changeantes (des fois trop vite, quand on prend les photos ou que la pluie nous tombe sur la tête)
 
et la marée basse… avant de retrouver la Méditerranée


(photos de Xavier, avec une dédicace à Corinne style Harry Gruyaert..!)

— & toujours cet étonnement du jour 1h + long qu’à Marseille, avec la nuit à 23h !

— Apprécier le haut et le bas de la falaise, et toujours les caissons du port Winston en vue

— Jouer avec les différents matériaux et tailles, de nos lettres découpées aux cartons petits et grands, du blanc de Meudon au charbon de bois, des algues au fil électrique, du néon flexible à la lampe de poche…



des fois peu concluant

— Après les repérages, préparer matériaux et textes du jour avant de partir en expédition…

 
—Ne pas oublier de s’amuser en travaillant…
même si on doit sur beaucoup de photos courir après des lettres qui s’envolent avec le vent, qui soufflait dur certains jours

et apprécier nos bottines Richelieu en plastique à 9,90 € trop élégantes pour patauger, après plusieurs jours de baskets mouillées

— Des fois, saisir une envolée au bon moment

— Apprécier de travailler et de passer 15 jours ensemble


et pas de poste défini à chacun, même si on a chacun nos “spécialités”

comme tout photographe, Xavier est spécialiste en temps de pose

— Découvrir le goût du homard à une pince, bradé par le poissonnier qui nous a persuadé de l’acheter malgré nos réticences à le tuer (en nous disant de l’endormir au congélateur…), et les meilleurs œufs du monde, ceux d’Homardine (c’est son nom de baptème)

— Réunir une petite assemblée à la fin du séjour pour du light painting sur la plage


et avoir de plaisir de revoir Thierry Weyd et Astrid (& Jean-Claude Mattrat et Isabelle précédemment)

— Avoir encore quelques repérages en stock

— A suivre pour de nouvelles aventures ou la suite de celle-ci ?


écrire dans le paysage – suite

Date : 13 juin 2020

2ème semaine de résidence à la Villa La Brugère, à Arromanches, avec Xavier Pinon, pour écrire dans le paysage…
Au programme de cette 2ème semaine :

— Du flux et du reflux

— passer outre…

— le déplacement du point de vue

— la disposition d’éléments

— un crabe de 1944

— des pensées désertiques

— la dérive des continents

— des angoisses enfouies sous le tapis

— une planète rouge

— une barrière sous la pluie

— de l’itinérance

— un petit chemin, de l’autre côté

— une dépression franco-anglaise sur la mer

— scruter régulièrement par la fenêtre

— la vraie vie, versus (?) paradis

 

— en haut des falaises, en dessous

— en bas des falaises, vue du dessus

— une conclusion

— dans la nuit, (avec 18 mains…)


écrire dans le paysage

Date : 12 juin 2020

Notre 1ère semaine de juin à Arromanches à la Villa La Brugère avec Xavier Pinon, pour écrire dans le paysage, et photographier :

— Des mehnirs

— des “barrières”

— des pierres spécialement repérées

— des endroits stratégiques

— des sites étranges

— des éboulements

— spécial marée basse

— des recto verso

— Sous la falaise, avant que la marée haute ne déplace les blocs élus

— une pierre choisie en méduse fossile, avec diverses lumières et orientations

— de la cervelle durcie

— en attendant les indiens

— niveau zéro

— une surface de réflexion

— une antinomie

— une rêvasserie

— en déplacement

On est bien content de notre boulot en 1ère semaine !!!


atelier d’écriture du mardi – N° 36

Date : 10 juin 2020

atelier 36, mardi 9 juin

Aujourd’hui, nous allons travailler à partir d’extraits du roman de Iain Levison, Ils savent tout de vous (ed. Liana Levi)

Il ne vous reste plus qu’à lire le(s) livre(s) de Iain Levison..!
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Tout d’un coup, vous avez aussi ce don.
1 — Imaginez une scène où vous en prenez conscience
description, analyse des impressions, conséquences (ou non) avec quelques dialogues

Sylviane :
J’étais assise tranquillement dans mon canapé pour déguster mon café après une matinée bien remplie. Le chat trônait sur la table basse. Il me fixait depuis un moment de ses yeux verts et dorés.
Mon regard se posait sur les titres du journal, sur mon téléphone qui affichait des messages, allait voir par la fenêtre les fleurs du jardin.
Mais sans cesse, je retrouvais les yeux fixes du chat.
« Chat Pacha, j’ai oublié de laisser la porte de la cuisine ouverte ! »
C’était bien ça, je l’avais lu dans les yeux du chat !
Plus tard dans la soirée, je rencontrais un voisin sur la route et dès que nos regards se croisèrent, je sus ce qu’il pensait « yen a marre de ces jours à rallonge, quand est ce qu’on arrête de changer d’heure ? »
« Bonsoir monsieur Pechadou »
« Bonsoir madame, vous vous promenez aussi ? C’est trop long ces soirées, on peut pas dormir. Là haut ils ont pas parlé d’arrêter de changer d’heure ? »
J’étais scotchée. Le chat, bon, ça rentrait un peu dans nos habitudes mais j’avais été troublée car il pensait derrière ses yeux ; j’avais lu ce qu’il voulait. Et maintenant Monsieur Pechadou ! Avant même de le regarder, j’avais lu dans ses pensées et j’avais bien lu !
Télépathie, transmission de pensées ? Ou bien tout simplement je prêtais mieux attention aux gens, au chat ?
Le lendemain, j’avais rendez vous avec une amie pour boire un café en ville. Avant même qu’elle m’en parle, je savais qu’elle partirait très vite, elle avait un autre rendez vous…
Ça devenait amusant, je parlais en direct avec le cerveau des autres ?

David :
Je poussais la porte du bar pour boire un petit café. Je n’aimais pas trop cet endroit, il y avait un curieux mélange de gens vulgaires, de grandes gueules, d’ouvriers pressés, de paumés, d’alcoolos, de salariés d’agence bancaire, les gens, quoi. Leur café était bon donc j’y étais et puis c’est tout.
La serveuse s’affairait avec le boulot qui s’accumulait ; nerveuse, elle tirait un peu la gueule. Aussi je me faisais le plus discret possible.
Soudain une pensée me vrilla la tête, mais une pensée qui n’était pas la mienne :
«  — Ah ! Qu’est ce qu’il veut le crâne d’œuf, son petit café, comme d’habitude, j’en ai marre de tous ces blaireaux, j’ai mal aux jambes, j’aimerais rentrer chez moi ! »
— Bonjour monsieur, qu’est ce que je vous sert ?
J’étais interloqué, je ne savais pas ce qui m’arrivait. En sueur, j’avais envie de partir en courant, la panique !
La serveuse me toisait.
« — Ho ! là là, qu’est-ce qu’il a le petit bonhomme, y va pas me faire un malaise à cinq minutes de la fin de mon service ! »
Je bredouillais :
— un petit café… s’il vous plait…
J’essayais de respirer, je compris que j’entendais dans ma tête les pensées de chaque personne dans le bar : l’horreur absolue !
Ça y est, me dis-je, je suis dingue, dingo, peut être une tumeur au cerveau ou un truc comme ça !
Les gens de l’agence bancaire s’échangeaient des banalités et des vannes d’un goût douteux, l’un d’eux regardait sa collègue et un flot de pensées sexuelles plus ou moins immondes me submergea. C’en était trop, je jetai un euro trente sur la table et sortis au plus vite.

Sylvie :
J’avais rendez-vous avec Stéphane, et cela faisait maintenant un bon quart d’heure que je l’attendais à la terrasse du Caveau. Depuis plusieurs mois que nous flirtions ensemble je m’étais habituée à ses retards, c’était dans sa personnalité et j’aimais cette attente où je sentais ce plaisir de le revoir m’envahir petit à petit.
Il apparut d’abord dans le reflet d’une vitrine et il fut tout de suite après, devant moi, un livre sous le bras qu’il me tendit, “tu as pensé à acheter le dernier prix du livre inter !”.
Avec un sourire, il acquiesça, “j’ai du faire plusieurs librairies de la ville pour le trouver”. Instinctivement, je dis qu’il mentait. “C’est le dernier roman de ce jeune écrivain russe, il a tout de suite fait l’unanimité du jury “. Mes pensées s’affolèrent à l’idée que je pouvais désormais deviner les siennes. Que venait-il de se passer ? Quels changements, dont je n’avais pas eu conscience, avaient-ils bien pu se produire ? Mes cervicales me faisaient souffrir et un violent mal de tête s’abattit sur moi.
C’était venu d’un coup, comme l’orage. Au plaisir de l’attente succéda la crainte de deviner les raisons qu’il avait eu de mentir. Ce don, si c’en était un, diffusa en moi une peur sourde.

Dominique :
Un matin, je me réveille comme tous les matins en entendant l’oiseau du jardin : « Pfuuuuuuiiitt, pfuuuit, pfuuuit ! »- 1 long, 2 courts…Tiens, ça me fait penser au code morse et puis je réalise d’un coup lorsqu’il recommence qu’il y a quelque chose qui cloche : il me semble que je comprends !
—  « C’est bientôt l’heure, dit-il, elle devrait pas tarder à jeter des miettes de pain du balcon ! »
— « Eh, j’ai faim moi, s’agirait pas de louper l’heure ! Faut que je chante plus fort ou quoi ? »
Oh là, là, on se calme, me dis-je, j’ai dû me rendormir ! C’est alors que Véga, ma chatte, se glisse sous le drap et pousse ma main avec son museau, et là je l’entends dire :
— «Fais-moi des gratouilles dans le cou, s’il te plaît ; oui là, comme ça, mmmm, j’adoooore !! »
Bon sang, va falloir que je me réveille pour de bon ! J’ai du mal ce matin, pourtant je n’ai pas bu hier soir… Je me lève enfin. Le chat me précède dans la cuisine quand je l’entends encore dire :
— « Super ! ça va être l’heure où tu me donnes du beurre ! »
Alors là, je fonce dans la chambre où mon mari dort encore et m’apprête à le réveiller… Je suspends mon geste… ô stupeur, je l’entends rêver ! Je vois la scène se dérouler sous mes yeux :
Il est au volant du camping-car en compagnie d’une guitare jazz, attachée à ma place, il se tourne vers elle et lui dit : « C’est toi la femme de ma vie ! »
—  « Eh Jean-Louis, c’est quoi ce rêve à la con ? » Je le secoue, il se réveille en sursaut, me regarde et dit avec aplomb :
—  « Quoi ! Mais quel rêve ? Tu sais bien que je ne rêve jamais ! Qu’est-ce qui te prends de me secouer comme ça ? »

Là, j’ai vraiment su qu’il se passait quelque chose d’étrange. Comme si j’avais basculé dans une autre dimension… C’était très curieux comme sensation, à la fois agréable et angoissant. Que m’arrivait-il ? Cela allait-il durer ? Etait-ce une sorte d’hallucination, fallait-il appeler un médecin ? Un psy ?
Mon esprit rationnel me poussait à le faire, ma curiosité, elle, m’incitait plutôt à tester la chose. Allais-je choisir de me taire, ou d’en parler ?

Manée :
J’ai toujours été attirée la nuit par les fenêtres allumées des immeubles en ville quant au passage on distingue à peine les silhouettes des gens qui y habitent, imaginant leur vie, leurs rapports, ce qu’ils font, ce qu’ils se disent, qui ils sont, comment ils votent, quels livres ils lisent ou ne lisent pas…
Et puis un soir, je ne sais pas pourquoi j’ai eu soudain l’impression que je n’imaginais pas mais que je voyais distinctement et que je devinais ce qui se passait, une femme appuyée à son balcon, le regard au loin et de temps en temps se penchant dangereusement comme pour jauger le vide au dessous d’elle.
J’ai su qu’elle se disait : je suis à bout de cette à angoisse qui me serre le torse dès le matin, cette fois je le fais, je n’attends plus rien, de toute façon rien de bon ne viendra, à quoi bon continuer, je n’en sortirai jamais.
Je me disais, mais non c’est ton imagination mais en même temps je sentais que j’étais emportée par une soudaine capacité de voyance, une énergie étrange de percement qui m’enivrait et m’effrayait à la fois.
J’ai grimpé cinq étages comme portée, emportée, j’ai sonné à sa porte, sûre que c’était celle là, j’ai sonné encore, insisté, elle a fini par ouvrir, elle était très pâle, hagarde, qui êtes vous m’a t- elle dit, je lui ai répondu : c’est étrange, vous ne me connaissez pas mais moi je vous connais, je vous expliquerai, est-ce que là tout de suite vous viendriez prendre un verre avec moi, je connais un bon italien dans le coin.
Vous le croirez ou vous ne le croirez pas mais elle m’a suivie et les antipasti étaient fameux avec un verre de campari.

 

2 — Quelques conséquences que cela produit dans vos relations sociales et personnelles
4 petites scènes, descriptions, ce que vous entendez, ce que vous « entendez », vos réponses et pensées, avec dialogues

David :
De retour vers le bureau, je suivis une petite vieille qui pensait à son mari mort en des termes pas très flatteurs. Quand ses pensées devinrent sexuelles, je bifurquai très vite dans une autre direction.
Je commençais à évaluer l’étrange situation dans laquelle je me trouvais, et d’abord, le bureau, j’allais faire comment avec mes collègues, et si ils avaient le même truc que moi, ça serait encore plus l’horreur, moi qui me comportais comme un connard d’hypocrite avec eux.
Autant les appeler, leur signaler un problème et rentrer chez moi.
Mais chez moi, il y avait ma femme, et pire encore, mon fils, un ado de 16 ans. Autant me suicider que de lire dans leurs véritables pensées.

La Vieille :
« — Depuis que t’es crevé vieux con, tu m’embêtes plus avec ta petite bistouquette ridicule et je peux dépenser mon fric comme je veux. Aujourd’hui les gens divorcent comme y vont pisser, j’aurais dû faire ça, j’aurais pas perdu ma vie avec un vieux cochon ! »

La secrétaire :
—Nicole, j’ai un souci, je vais rentrer chez moi, je ne me sens pas très bien.
« — Allons bon, pour une fois que c’est lui, ce petit faux cul prétentieux qui a un souci, j’espère que c’est pas trop grave, j’ai pas envie de me taper tout son boulot ! »

Ma femme :
— Alors tu as passé une bonne journée ?
— Heu … pas terrible, je ne sais pas comment t’expliquer…
«— Ah, y va pas encore se plaindre, qu’est ce qu’il a encore, il a picolé ? Pourtant il ne sent pas l’alcool, c’est vrai qu’il n’a pas l’air dans son assiette. J’espère qu’il ne m’a pas trompée, c’est bizarre, ça ne lui ressemble pas, s’il essaye pas de me baiser demain matin au réveil c’est qu’il y a anguille sous roche. »

Mon fils :
— Salut P’pa, ça va ? T’as l’air fatigué !
« — Ho qu’est ce qu’il a le vieux il a picolé ou quoi, pourtant il sent pas l’alcool, au moins ce soir y va pas me chercher des poux dans la tête parce que je suis trop sur mon ordinateur à faire des jeux et gnagnagna et gnagnagna !
Bon, c’est un vieux con, mais je l’aime quand même. »

Sylvie :
(approche partielle…)
Ce jour là j’avais rendez-vous avec Paula. Elle était nouvelle dans la boîte, plutôt sympa, elle nous avait demandé de l’appeler par son prénom. Un peu surpris nous en avions pris petit à petit l’habitude.
Depuis quelques temps déjà je m’étais astreinte à me concentrer sur mon travail et mes relations avec mes collègues devenaient anecdotiques. J’avais tout simplement peur de nos rencontres et de me rendre à la machine à café, de les croiser dans les couloirs, et de percevoir les pensées que les uns et les unes distillaient au cours de conversations anodines.
A vrai dire, j’étais vraiment inquiète de ce premier rendez-vous que Paula m’avait fixé à une heure si matinale, ce qui m’allait bien pourtant.
Pour que notre relation de travail puisse se passer au mieux je devais faire abstraction de ses pensées. Une fois face à elle j’essayais de me contrôler. Malgré son ton aimable m’invitant à m’assoir, “tu es plutôt thé ou café ? Religieuse ou Paris-Brest ? “, et me mettre à l’aise, je compris qu’elle chercherait à me mettre en défaut. “Elle est vraiment Rabat-joie “, pensa-t-elle quand j’indiquais que je prendrai une verveine.

Dominique :
Je me suis toujours posé mille questions sur tout et n’importe quoi, mon nouvel état pouvait peut-être m’aider à comprendre le monde qui m’entoure. Je décidais de tester avec la télé : cela marcherait-il à distance ?
Me voici devant BFM tv, un journaliste débite les éternels bilans journaliers des victimes du covid … avec en voix off, ses pensées et commentaires perso pour moi toute seule ! En résumé, il a des aigreurs d’estomac qu’il attribue à son boulot et rêve de casser la gueule au rédacteur en chef (un incapable, d’ailleurs, il se voit très bien à ce poste) mais comme il a besoin d’argent, il préfère la fermer… Rien d’original, me dis-je, mais, si j’entends les pensées des autres à distance, il serait intéressant de guetter le prochain discours politique. D’un autre côté, j’ai bien peur de ce que cela pourrait donner. Je doute qu’il y ait encore des gens honnêtes dans ce monde-là !

Comment croire encore en quelqu’un, en quelque chose ? J’en fais quoi de tout ça ? Ai-je vraiment envie de connaître les pensées de tous ceux que je croise ? Ma vie ne risque-t’-elle pas d’être un enfer ?
Je me dis que ça suffit, que tout ça me dépasse, alors je fuis, je pars marcher dans les bois. J’écoute les arbres, ils sauront peut-être calmer mon angoisse. Je lève les yeux, leurs branches bruissent doucement. Peu à peu, je les entends :
« Approche, ne pense plus à rien, il te suffit d’être à l’écoute de toi-même, de tes sensations, ici et maintenant et tu t’apaiseras. »
J’entends palpiter la sève sous leur écorce, je ressens l’essentiel, la vie en moi. Peu à peu l’impression d’être diluée dans les discours humains s’estompe…
« Tu sais, nous les arbres, avons la faculté de sentir ce que ressentent nos congénères, lorsque l’un de nous est malade ou en danger par exemple, nous communiquons pour nous prévenir et nous entraider. »

« Oui mais chez les humains c’est différent, on échange en parlant et on pense en même temps. Et parfois nos pensées sont bien différentes de ce que l’on est en train de dire, voyez-vous, et c’est là que ça se complique ! Et pour finir, depuis ce matin, en plus de tout ça, moi, je lis toutes les pensées des autres humains, des animaux et, apparemment, de tous les êtres vivants, puisque je parle avec vous ! Et moi tout ça, ça me parasite ! C’est comme le lierre qui grimpe sur vos troncs, ça peut finir par vous étouffer pour de bon. Vous voyez une solution vous ? Parce que moi, j’avoue, je suis perdue et à part rester passer ma vie dans les bois avec vous, je ne vois guère de solution ! On pourrait se raconter nos vies remarquez, vous avez des souvenirs vous les arbres ? »

Manée :   Dans un supermarché…
Je l’ai croisée plusieurs fois dans les rayons, très bien mise sur elle comme on dit, pas l’air dans le besoin, j’ai tout de suite su qu’elle volait même si à aucun moment je ne l’avais vu le faire.
Je me suis approchée et au passage je lui ai dit :
— « alors ça marche? »
— « je ne comprends pas, pourquoi vous me dites ça ? »
— « je vous dis ça parce que vous volez et je vous demande si ça marche?»
Elle a pâli, bredouillé, elle reculait, affolée.
— « Ne paniquez pas » lui ai-je dis, « un peu de malhonnêteté n’a jamais fait de mal à personne surtout dans un supermarché ».

 

3 — Vous perdez ce don à un moment crucial, vous n’entendez plus les pensées des gens et animaux, mais vous avez une hyper acuité auditive
description, analyse des impressions, conséquences (ou non)

Sylviane : (2 et 3)
J’en profitais de ce sixième sens ; je n’ai pas d’imagination alors je pique dans le cerveau des gens. C’est comme ça que j’ai pu entrer comme journaliste aux faits divers pour le quotidien « La Montagne ». Je me ballade, je croise les gens et les pensées surgissent. Je fais la une avant même que les événements aient eu lieu.
Ces temps-ci je propose mes services à la police pour interroger les petits voyous qui piquent et revendent les autos radios, la drogue aussi et quelquefois j’aide à faire avouer où se trouvent les cadavres après les crimes…
Tout ça jusqu’à ce matin ; le mari d’une dame m’appelle pour me demander de venir voir sa femme qui elle aussi entend les pensées des gens. J’y suis allée ; une belle maison avec un grand jardin.
La dame m’explique qu’elle entend parler le chat, les oiseaux pour quémander du pain, des câlins mais aussi, quand son mari dort, elle entend ce qu’il dit dans ses rêves. C’est peut être ça qui intrigue le plus le mari je pense.
Pendant qu’elle me raconte tout ça, je suis étonnée, je n’arrive pas à lire ses pensées.
Je rencontre le chat, je vais dans le jardin et là je commence à être assaillie par les bruits, tous les bruits. Le chat miaule très fort, il me vrille les tympans !! et les oiseaux, les oiseaux, les oiseaux… il y en a trop, ça n’arrête plus, le son est mis à fond : ça babille, chante, gazouille,jabote, piaille,piaule, ramage. C’est insupportable, effrayant. Et de plus, je n’entends plus les mots mais des cris, des plaintes, des reproches , des sons plus doux mais toujours trop forts.
La dame, face à moi me regarde étonnée ; ses yeux font un bruit de roulement de tonnerre quand ils se tournent vers moi, les cils s’entrechoquent comme s’ils étaient en fibre de verre et sa peau craque comme un plancher quand elle sourit.
Je deviens folle, mes doigts dans mes oreilles n’atténuent pas le vacarme.
Je rentre dans le salon, pensant me mettre l’abri ; l’homme fait la sieste dans le canapé ; il n’entend rien. Il bouge et hurle vers moi « Qu’est ce que vous foutez chez moi ? »

David :
J’avais foutu le camp de chez moi, roulé pendant deux heures, pris une chambre d’hôtel à Limoges. J’étais perdu. Les deux premiers jours, j’essayais d’éviter de croiser les gens, d’être envahi par leurs pensées, j’aurais dû fuir en montagne, mais j’avais trop peur de la solitude.
Le troisième jour, le don ou plutôt la catastrophe s’arrêta, mais aussitôt remplacé par autre chose tout aussi insupportable. J’entendais tout ce que les gens disaient, pas simplement à travers les murs de ma chambre mais dans toute la ville. Tous les bruits même les plus immondes, toutes les musiques, les chaînes de télé, les stations de radio, tout !
Cette fois c’était sûr, c’était une tumeur au cerveau.
C’est fou comme les gens s’engueulaient et baisaient dans cette bonne vieille ville de Limoges, d’apparence si paisible, si guindée, si policée.
Soudain quelqu’un avait dit mon nom quelque part dans la ville, c’était incompréhensible : qui pouvait parler de moi à cette heure-ci, à Limoges ?
J’avais l’intention de passer vite fait un scanner mais l’idée d’entendre tout ce qui se passait dans l’hôpital me donna la nausée.
Cette fois c’était décidé ! Demain je partirai pour la montagne…

Dominique :
Et c’est à ce moment-là que ça s’est arrêté. L’espace d’une seconde, un grand calme, le silence, enfin ! Quand les bruits ont repris, je n’entendais plus le suintement de la sève couler dans les troncs, mais chaque arbre, chaque feuille bruissait au moindre souffle de vent plus fort que jamais. Puis ce furent les insectes que j’entendis, pas seulement le vrombissement des mouches, guêpes, abeilles et autres moustiques mais plus extraordinairement l’indescriptible bruit des ailes des papillons…Le chant des oiseaux venait ponctuer ce fond sonore comme les voix des solistes ou des chœurs d’une symphonie sylvestre, magnifique et envoutante. Les sons pénétraient dans mes oreilles et envahissaient tout mon corps d’une vibration intense, jamais ressentie auparavant. Je m’abandonnais aux sensations en joignant ma voix au concert, je fermais les yeux, peu à peu engourdie par la chaleur du soleil et des sons qui m’enveloppaient …

Manée :   Difficile quand on est sourde d’imaginer ce que donne une hypertrophie auditive mais je suppose :

Le plaisir d’entendre glisser les nuages
Le plaisir d’écouter chanter les mésanges charbonnières même à distance
Le plaisir d’entendre la pluie sur le toit même à la cave
Le plaisir, en nageant, d’entendre les poissons ronronner

Le déplaisir de comprendre à la terrasse des bars dans le midi particulièrement raciste (et sexiste bien sûr ça va ensemble) les insanités de certains clients
Le déplaisir d’entendre le bruit des voitures sur l’autoroute même éloignée
Le déplaisir d’entendre le cri des bêtes qu’on égorge dans les abattoirs


se souvenir à l’avenir

Date : 8 juin 2020

 

Après le 6 juin à Arromanches, où dans la rue certaines personnes ont le déguisement kaki complet avec accessoires,
et voir tous les jours “les restes” du port artificiel devant nos fenêtres
et en circulant sur plages et falaises,

& après des comptabilités vues en ligne :


(cimetière américain de Colleville/mer)
allez, le cimetière allemand dont on ne parle jamais, avec plus de 20 000 morts


A Tulle, les commémorations sont plus tragiques à cause des exactions, et les chiffres plus humains ne laisse pas la place à l’abstraction


 

 


repérages

Date : 7 juin 2020

Le conducteur du train nous fait un speech, vitesse de pointe de 320km/h que nous venons d’atteindre, temps de Très Grande Vitesse durant le voyage, la voie est libre, pas de travaux, météo sur le trajet, température parisienne à l’arrivée, détendez-vous & agréable voyage sur TGVInoui…
Réveil à Montereau : j’espère que vous êtes satisfait de ma conduite, nous avons quelques minutes d’avance que nous devrions pouvoir conserver jusqu’à l’arrivée prochaine,…
Je me demande si c’est une initiative personnelle ou la nouvelle politique de la sncf, jalouse des millions d’euros pour aider Air France..!

On se retrouve à la gare de Lyon avec Xavier Pinon, Direction Arromanches sans attendre !!
Le ciel est bleu, un avant goût d’été, on est content de revoir Marie-Thérèse à la Villa La Brugère, et une petite promenade pour se remettre des voyages, des essais pour voir avant de peindre nos lettres, et puis, du repérage…


Arromanches by night, avec les drapeaux de sortie !
En novembre, ils étaient décrochés, ce qui nous évitait d’avoir le drapeau français juste en face de la grande table où on travaille et mange..! Dans la cuisine, ambiance anglaise!

Quand nous partons en repérage de l’autre côté de la plage , les enfants aussi écrivent dans le paysage, juste devant la maison :

Avec le problème qui va se poser : comment retrouver nos “cailloux élus” dans un immense tas de pierres… (surtout quand suivant les marées, les algues s’en mèlent..!!)

Le temps change vite, et d’un jour à l’autre, je suis contente d’avoir emporté plusieurs imper-veste pour pouvoir les empiler!!


Tout préparer-prévoir avant de partir, lieux et textes, matériaux, attendre que la pluie cesse et penser à de nouvelles photos possibles…

On dispose nos lettres découpées dans la maison pour composer les textes-du-jour à utiliser :

En route avec nos 2 appareils photos, tout le matos nécessaire (avec plus ou moins de prise au vent…!), plus le téléphone qui permet certaines photos impossibles !
 

& puis, on est à Arromanches !!
Où les jours sont plus longs qu’à Marseille, de 50 minutes!
Le D.day est anéanti par le covid (moi qui craignais le débarquement commémoratif et touristique du 6 juin, pauvres papys anglais), on a raté la patrouille de France en provenance d’Omaha beach parce qu’on déjeunait et bavardait, on en a saisi que les restes :

& puisqu’en ce moment…. en ce temps


atelier d’écriture du mardi – N° 35

Date : 31 mai 2020

Vous avez raté un certains nombres d’ateliers depuis le confinement-déconfinement, alors, choisissez-en un (ou plusieurs!!) à faire parmi ceux-là (cliquez sur l’atelier en question) :

atelier 34 — réinterpréter un conte
avec Le Petit chaperon rouge de Joël Pommerat

atelier 33 — une chose difficile à dire
avec des poèmes de Karel Appel

atelier 32 — réinterpréter un récit “mythique”
avec la Naissance de l’Odyssée de Jean Giono

atelier 31 — votre paysage
avec V. Hugo et Marc Graciano

atelier 30 — à partir d’un film, un personnage pour vous
avec Supplément à la vie de Barbara Loden, de Nathalie Léger

atelier 29 — des ombres et des légendes avec classification
avec des dessins de Samuel Buckman, et Sei Shonagon

atelier 28 — observation/sensation du paysage avec augmentation/diminution et autoportrait en plantes
avec les Djinns de V. Hugo

atelier 27 — textes écrits et posés dans la maison et le jardin
avec entre autre des œuvres de Tianji Zhao

atelier 26 — montage de textes extraits de votre bibliothèque
avec Benoît Casas et Fernando Pessoa

atelier 25 — qu’entendez-vous par là ?
avec des poèmes de Blaise Cendrars, et 15 sons à interpréter

atelier 24 — arbres, chute, et rage de l’expression
avec 2 photos et Francis Ponge

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“Voilà le travail de ce soir; on était juste David et moi.
Sylviane
a fait l’atelier 34  (réinterpréter un conte, voir lien plus haut) :
Les 3 cochons et le loup

David a fait l’atelier 32 (réinterpréter un récit mythique, voir lien plus haut) :
De l’enfer et Les remords

Dominique a fait l’atelier 25 (qu’entendez-vous par là ?, voir lien plus haut)
et l’atelier 29 (des ombres et des légendes avec classification, voir lien plus haut)

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une belle collec :

Bonjour à tous! Tout d’abord je m’excuse de ne pas avoir prévenu de mon absence mardi dernier, je devais venir mais j’ai du aller faire euthanasier une de mes chattes et après j’ai complétement zappé l’atelier, j’aurai pu prévenir après coup, méa culpa. Je serai absente de Corrèze mardi prochain mais je vais essayer de me remettre à l’écriture cette semaine et de revenir en présentiel mardi 9… Je comprend bien qu’il est difficile de faire atelier avec des fantômes pour toi Fabienne👻… Bonne semaine à tous(tes)
Dominique

Bonjour tout le monde !
Je serai aux “abonnés absents ” tout le mois de juin pour plusieurs raisons (toutes personnelles ) dont la principale est que je vais acheter une maison et changer de lieu de résidence à la fin de l’été et que cela monopolise mon énergie presque totalement ! …
Je continue à suivre (plus ou moins régulièrement ) tous vos travaux d’écriture (Merci Fabienne pour la régularité , la qualité de ton travail )… merci aussi à tout le groupe qui m’a beaucoup stimulée quand on travaillait tous ensemble !… moins évident quand il a fallu plancher seul(e) ! Sera-t-il possible de récupérer le “Cahier” fait en Duo ?
J’espère que je vais trouver un mardi avant cet été pour partager encore un atelier avec vous : pas sûr !
J’emmène les petites filles en vacances 1 ou 2 semaines , fin juin , début juillet … Voilà : vous savez tout (presque !). Rien de bien intéressant … mais je ne voulais pas “disparaitre” de l’Atelier, balayée par les dommages collatéraux du Corona …
Si j’ajoute à cela que je n’ai pas vu une partie de mes proches depuis plus de 4 mois ( je peux enfin aller les voir la semaine prochaine !) … je ne sais pas quelle semaine de juin je pourrai faire “une apparition ” !
Jeanne

Je ne serai pas en Corrèze mardi 2 juin et donc pas physiquement à PEC pour l’atelier. La dernière fois je comptais bien venir à PEC mais au dernier moment je n’ai pas pu partir, ça arrive !
Manée

Bonsoir à tous. Je sors juste du boulot, impossible d’être à l’heure à l’atelier… j’essaierai de trouver le temps à la maison.
Bises à tous. Agnès

moi aussi je sors du boulot…
alors je vais essayer de m’y coller demain car, paraît-il, il pleut !
bises à tous, Raphaëlle


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